jeudi 1 octobre 2009

Dis, quand reviendras-tu? Au moins le sais-tu?

Je suis prêt.
Mes valises sont prêtes. Il pleut.
C'est tout ce qu'il sait faire. C'est parfait. Si le soleil s'était montré, j'aurais rêvé d'une balade dans un recoin inconnu.
Il me reste 20 minutes avant le check-out. Je profite de chaque seconde, J'étire le temps. je le fais mien, enfin, j'essaie de le croire.
Je n'ai pas le goût de faire un top quelque chose.
Je me suis rasé pour pas avoir l'air d'un terroriste aux États-Unis.
Je me suis mis en chemise.
En attendant le train, je vais aller manger un sandwich.
Je vais peut-être marcher le long du JR lines.
Je vais peut-être avoir l'audace de me rendre dans le parc, dans un temple. Sonner la cloche. Taper deux fois dans mes mains.
Je vais peut-être juste lire dans le café. Regarder les gens qui ne se regardent pas.
Ou qui regardent leur téléphone.
Les dames dans leur belles robes et leurs talons haut qui achalent tant Marie Josée (les talons, pas les dames)
Les messieurs dans leur complet parfait. On dirait qu'ils sont tous pareils.
Je vais les regarder fumer.
Je vais les imaginer dans leur vie.
Je vais les revoir si silencieux le matin, en route vers le travail.
Le soir, revenant, un peu (ou trop) ivres après avoir obligatoirement trinqué avec les collègues.
Je vais voir passer les ados, en groupe de cinq ou six, avec leurs uniformes scolaires.
Je vais écouter mon Ipod.
Je vais faire des promesses dans ma tête.
Revenir.
Marcher.
Respirer.
Je vais imaginer les filles ce soir à l'aéroport, qui vont venir me chercher.
Je serai certainement très heureux de les voir.
Je vais vouloir tout dire mais aussi peut-être tout garder pour moi.
C'est comme une histoire d'amour. ça se préserve. Ça ne se raconte pas complètement.
Ça demande de la pudeur.
Ça demande des secrets.
Je ferme cette page. Je reprends mon nom, redevient Fred.
Je suis Fred et je reviens.

Merci.


Shibuya

Quand la lumière est rouge et que très peu de voitures s’empressent de passer (elles ont sans doute peur d’être bouffé par la foule, le monde à l’envers quoi!), alors s’amassent sur les quatre coins de la rue une vague, une vague humaine qui se gonfle, se gonfle, se gonfle encore. On a peine à croire qu’il puisse y avoir autant de gens dans un même endroit. Tant de gens réunis, non pas pour un spectacle, une parade, un discours politique. Non. Simplement pour se rendre ailleurs, continuer leur chemin.

La vague enfle. Se prépare. Tant de personnes que nous ne connaîtrons jamais.

Elle se remplit. Tant de visage que nous ne reverrons pas. De yeux qui ne seront regardées. De lèvres non-embrassées.

Suspens.

Et puis, les voitures s’arrêtent et un son se fait entendre. Un coucou électrique. Un son perçant qui avertit qu’il est temps d’y aller.

Six routes, six sentiers qui s’emplissent alors de cette marée. Tranquillement, comme dans un brouillard matinal où on ne perçoit les choses qu’à la dernière seconde, les vagues qui se sont formées se rapprochent. Comme deux murs.

Le premier plaisir est d’abord là, pendant cette avancée que l’on voudrait spectaculaire. Dans l’idée de ce qui vient. Dans ce qu’on imagine impossible. Le plaisir de ne pas être certain d’avoir déjà franchi une barrière d’autant de personnes.

Puis, vient la rencontre des deux vagues.

L’impression est violente et la collision, douce celle-là, n’arrive jamais. Les corps se mêlent sans se bousculer, comme un bal où les danseurs sont sans partenaires. Les yeux se croisent, les couleurs se mélangent, ça vient de partout, particulièrement quand on a emprunté le chemin en diagonale qui mène du coeur du quartier à la gare de train et vice-versa. On n’a jamais marché dans un courant aussi fluide et désorganisé. Fluide parce que la direction est claire, désorganisé parce qu’on ne choisit pas sa route. On passe. On contourne, toujours en ligne droite, on écrit son sentier au coeur de l’asphalte, des enseignes publicitaires éclairées au néon. Les possibilités d’accidents sont multiples, l’illusion de plusieurs rencontres, infinie. On divague, on titube, on trouve un regard. On remarque les habitués qui ont dans les yeux un sentiment franc, direct. On remarque ceux en détresse qui détestent cette routine, passage obligé vers la maison ou le travail. On remarque ceux qui en font une fête, ce sont souvent eux qui brisent le rythme naturel et presque réussi. On remarque les excentriques qui vivent ici, habillés comme nulle part ailleurs. On remarque tout cela, le temps d’un passage. Le temps d’une traversée. D’un voyage. On ne traverse pourtant qu’une rue. On ne franchit rien de grand ou d’important. On ne gagne pas. Ni ne perd.

La vague passe et ne nous emporte pas. Elle passe et nous laisse avec une grande impression de solitude mêlée d’excitation. On a l’impression que tout est possible, que le monde est ainsi, la vie aussi, que ce grouillement est l’essence même des minutes qui passent et nous fauchent. On sait la fin et le plaisir est malin.

Essayez pour voir!


Top 4 musique (je décide moi-même de combien y en a)

4) Four non blondes. What's up? Dans un karaoke, ça donne lieu à une belle chiure de voix pas capable de faire le refrain. Et ça rappelle des souvenirs. Et ça fait soundtrack. Non? Essayez pour voir: http://www.youtube.com/watch?v=mXcQGsoDkDk

3) The rip. Portishead. J'aimais déjà, mais là, ça va avec des images. Parlant de soundtrack, si je faisais un film qui se passe à Shibuya, je mettrais cette chanson. Je l'ai essayé hier et ça marche très bien. Je me suis placé devant la foule pour partir dans les premiers et quand j'ai foncé dans le groupe qui arrive en sens inverse, je me suis arrêté et j'ai tourné sur moi-même. L'effet est saisissant, avec le mur écran et les pubs et les lumières qui commencent à faire de la concurrence au soleil qui se couche. Et tous ces visages qui passent et qu'on ne reverra jamais. Essayez pour voir: http://www.youtube.com/watch?v=ggOZ4RuKRgE

2) Pipa Kebu. Les Pink ladies
http://www.youtube.com/watch?v=y0eaALL24vY&feature=related Essayez pour voir et ceux qui veulent savoir l'histoire, demandez-le moi!

1) Ex-aeqo: On est arrivé à Kanazawa et Arrigato! Création originale de Marie Josée Bastien.
Moi j'ai ri en étole en entendant les paroles savoureuses: ptite maison, ptit chapeau, ti triangle, Arrigatoo! Je sais pas si l'histoire dit si les voisins de cabine entendaient, mais moi oui et quand je l'ai dans la tête, ça reste! Je peux pas mettre de version youtube. Demandez à Jobed. Essayez pour voir!

Bon ben c'est ça.
Ma valise est prête.
Je m'en vais me coucher.
À demain.

fled


mardi 29 septembre 2009

Top 3 qui n'en est pas un...

Top 3 Lieux

Voici la suite de mes goûts nippons:

3) Les onsen. ceux qui me connaissent ne seront pas surpris. Ces lieux aquatiques me charment toujours. Celui de Obaida était bien, mais rien à côté du magnifique bain de Hakone, lundi soir dernier. À flanc de montagnes, sous un vent chaud, avec le cri des grillons. Mais oui!

2) Le Golden Gai dans Shinjuku. Ce petit quartier dans le quartier, son éclectisme, sa singularité me trouble. En fait, ce que ça me fait, c'est véritablement me sentir ailleurs. Ces lieux mythiques, dépassent l'engouement touristique en gardant une personnalité si forte, si personnelle. Je me suis senti là comme au coeur de quelque chose de puissant, vraiment transporté, chanceux, ailleurs, libéré et avec dans mon coeur la foi en un monde chaotique et fonctionnel.

1) Harajuku. Non! Pas vrai! Ici, je me sens probablement comme Paul Émile Borduas quand il allait à Paris en 1947. Je me sens vivant. Je pourrais tout inventer ici. En tout cas, on me donne l'occasion de croire que l'envergure a sa place, que la beauté a tous les visages, que la cohabitation entre le quotidien et le sublime est possible. Merci la vie!

C'est étrange comme palmarès non? Pas un temple, pas un truc historique. Mais ne vous en faites pas, je garde dans ma tête un souvenir puissant de Gyon et ses maisons en bois, du magnifique quartier des geishas à Kanazawa et aussi celui des samouraïs, toujours dans la même ville. je me rappellerai longtemps les bambous qui s'étirent vers le ciel, des toits en or de Nikko, du chemin de la philosophie à Kyoto, qui longe un magnifique canal et nous amène d'un temple à un autre, tous cachés derrière les conifères et dont l'existence pourrait être gardé secrète jusqu'à la fin des temps, et que dire, que dire, de la vue du 17e de mon apart à Ikebukuro. Violent! Le premier soir fut puissant, tous les autres, troublants. En écoutant de la musique à tue-tête, l'émotion était au comble. Et Ginza. Et la folie étourdissante de la foule juvénile de Shibuya un samedi soir. Et les parcs, Yoyogi entre autres. Et. Et. Et.

Top Flop

Je vous en donne un et les autres demain.

Le spectacle de Gyon corner. Osti de bouilli pour touristes. Un spectacle de 50 minutes qui présente les 7 arts du Japon: le koto, le bunraku, l'art du thé, l'art floral, et pis les autres que je m'en contresaintciboirise présentés dans ce contexte. On a voulu apprendre, on s'est fait avoir par une gang d'amateurs qui font les clowns pour nous soutirer notre argent. Je me sentais comme dans ce vidéo:
http://www.youtube.com/watch?v=WNiHRbEDh-8
Ne jamais voyager avec les Guides bleus. Leçon 1.

Ce soir, on a mangé au resto avec Sonoyo. Puis, Ayako est venue nous rejoindre. On a ri et on a a bien mangé. C'est tellement drôle de connaître du monde ici et de partager leurs lieux secrets.
Bonne nuit mes chanceux. J'aimerais ça être chez vous, vendredi arriverait plus tard.
Bonne fête en retard Marichidli. J'ai acheté ton Yukata aujourd'hui. Je t'aime. Me pardonneras-tu?

Votle dévoué,

Fled
xx



lundi 28 septembre 2009

Fred à l'acropole...

On arrive d'Hakone. On a monté dans une montagne et on n'a pas eu la vue tant espéré sur le Mont Fuji. Ben non. C'est comme la seule journée que j'avais en Grèce pour voir l'Acropole, ben les employés étaient en grève. Étole! Je vais être obligé de revenir! Mais Athènes peut bien attendre, je suis en amour avec une autre ville. J'ai remis les pieds ici et je me suis senti chez moi. J'adore cette ville. Non! J'adore, j'adule, je vénère Tokyo. Je peux pas vous dire. Je suis retourné montrer Golden Gai de nuit à Jobed, ça vivait là-dedans. J'aime ça ces ruelles étranges, cette ambiance à la Won Kar Waï, ou à la Blade Runner. Et ces jolies et excentriques personnes! Et me sentir si loin et si bien alors qu'on dirait encore qu'on est en été, sans manteau, avec un vent juste assez généreux pour nous faire oublier l'humidité...
Fuji-san, c'est le mont Fuji, mais ici on parle de lui comme d'une personne. On dit Emile san, Romuald san, Amélie san, et Fuji san. Le monsieur à l'info ce matin, quand je lui ai demandé c'est quoi le meilleur spot pour voir Fuji-san, il m'a dit que ce serait sans doute peine perdue à cause des nuages, que Fuji-san est timide aujourd'hui.
C'est beau non?
Bon, pour le décompte, j'ai pensé faire un palmarès.
Je vais en rajouter chaque jour.
Aujourd'hui

TOP 3 RESTOS.

3) Ikebukuro, la tablée. C'est le principe même du all-you-can-eat mais raffiné comme seul les japonais savent le faire. Tu fais venir des plats et des plats et des plats. Tu es dans un resto au Niveau b2, il y a une sonnette sur ta table pour faire venir le serveur ou sinon tu cries: Sumimasen, pis ça marche pis y a pas l'air bête. Alors, on mange des pois de soyas, des tempuras, des poissons, des salades, des brochettes, et des dumplings. Comment je vais faire quand je vais avoir une rage de dumplings un mercredi soir à 22h24, chez moi... à Québec???On est allé plusieurs fois dans ce genre de trucs. Avec les Japonais, juste les québécois. On a mangé tout plein, un peu moins, mais toujours bien!

2) Ikebukuro, le BBQ. Je vous en avais parlé. Première semaine. les japonais nous ont amené mangé de la viande de boeuf, toutes parties confondues. On fait griller devant nous, avec du riz et du Ginger Ale. Bonheur! On est allé trois fois. Une fois à Kyoto, mais la viande était bouillie. C'est très bien mais pas aussi concluant pour le carnivore que je suis.

1) Kanazawa. Bouffe six services dans un magnifique restaurant. Grand comptoir en bois noir. Le cuisinier travaille devant nous. Il nous présente le menu en français. C'est une série de plats saveurs internationales: Gaspacho, sashimi de poissons blancs et roquettes, poissons cuits (je pense que c'était du turbot) sauce au beurre, carré d'agneau, dessert personnalisé à chacun. Moi j'ai eu purée de pêche et ricotta. Comment vous dire?

Je le sais. Ça fait pas japonais, mais tous les bouibouis nous ont servis les meilleurs tempuras, les plus savoureuses Soba, les sushis les plus tendres. On mange bien ici. On ne sort jamais plein et ça a toujours beaucoup de gueule. Même à dix piastres l'assiette.

Je vous laisse là-dessus.

Votle dévoué.

Fredxxx

dimanche 27 septembre 2009

Ryokan en ville.

Nous sommes partis de Kyoto après avoir passé une journée en solitaire... Finalement, nous avons tous fait le même chemin mais à notre rythme: temples, petites boutiques, arrêts fréquents pour regarder le temps et les gens passer. C’est une ville bien étrange que Kyoto. Je ne pense pas avoir autant aimé ça que les filles. Je ne sais pas qu’est-ce qui ne m’a pas séduit. Tout le bataclan touristique m’a plu pourtant, c’est quand même un exploit! Le quartier des Geishas particulièrement, mais il m’a semblé que quelque chose restait à faire, ou n’a jamais été fait. Il y a un truc qu’on dirait en suspens, comme si la ville avait pas réussi à se trouver vraiment entre avant et après. Un rythme, un battement qui manque ou plutôt que je ne saisis pas. Un entre deux dur à cerner, une liberté non assumée. Le drame sans doute pour elle d’être la deuxième, l’éternel casse-tête... Dire qu’elle fut si longtemps la capitale (ce qui en soi n’est pas une solution, le Maire Labeaume peut vous en parler). Sans doute que je ne l’ai pas aidé, que sortir de Tokyo après presqu’un mois ne laisse pas de chance à la pauvre ville qui suit. Il n’y a pas beaucoup de chance de sentir le même pouls. Je suis difficile. Heureusement que je ne suis pas directement revenu cheu-nous, Québec aurait eu une claque sur la gueule de ma part.

En tous cas, on est parti en après-midi, on a somnolé dans le train pour arriver à Kanasawa, sur le bord de la Mer du Japon, plus au nord. Je dis sur le bord mais c’est pas vrai vrai, pas loin disons. C’est encore plus petit que Kyoto, mais étrangement, ici, je le sens. Je trouve ça plus fluide, plus précis. On fait vite le tour, mais le charme opère. Il faut dire qu’au niveau du traditionnel japonais, on est servi. Nous habitons en effet dans un ryokan, qui est une maison typique: mur coulissant en papier carrelé, futon au sol, on dort sur des tatamis, on mange au sol, la totale quoi! Fallait bien se payer l’aventure au moins une fois. On est comme chez l’habitant, ou dans un Bed and Breakfast. Quand on arrive, la dame nous montre notre chambre, notre salle devrais-je dire, puisqu’il n’y a rien sauf une table avec du thé qui nous attend. Et après notre départ pour visiter la ville déjà plongée dans le noir, elle installe les trois futons au sol. (Futon se dit hu-ton, c’est à la fois le matelas et la lourde douillette qui la recouvre, très confortable!!) Donc, quand on revient, tout est en place. On peut dormir.

Il y a aussi un bain traditionnel, très petit et très profond et un jardin minuscule mais mignon comme tout. On est dans l’ancien quartier des geishas, les maisons en bois et tout et tout. Le bonheur.

Aujourd’hui, on est allé visiter le Musée d’art contemporain qui est un, sinon le, plus important musée de la sorte au pays. Trois magnifiques expositions. On y passe 4 heures. Manger, acheter, visiter dans un musée pareil pour moi est ce que j’aime le plus au monde en voyage. Je me sens au milieu de tout, je me sens vivre. J’ai l’impression de faire confiance à l’humanité, que le partage est possible dans ces grands lieux blancs et ordonnés aux oeuvres déroutantes, déprimantes, chaotiques. Voir des groupes scolaires visiter et explorer des salles aux installations aussi mystérieuses, singulières m’apaisent. L’audace donné à des enfants, quel magnifique espoir!

Puis, on est allé voir un film japonais de samourais et de pirates ennuyant comme la pluie. Ce que je suis tolérant en voyage, vous me direz et bien vous avez raison, passez GO réclamez 200 yens.

Et sans vouloir me répéter, on a bien mangé. Demain, on se tape les poissons par exemple. Ayako m’a bien dit de manger du poisson ici. Ben j’espère, on est presque sur le bord de la mer!

mercredi 23 septembre 2009

avec grâce et avec élégance..

Nous sommes à Kyoto depuis trois jours et nous partons demain.

Les gens sont vraiment relax ici, ils nous saluent, nous demandent d'où on vient, les enfants nous arrêtent. C'est beau de voir leur tite-face quand je leur demande en japonais comment ils s'appellent. Le quartier de Gion, quartier préservé de la guerre et ses maisons en bois, est magnifique. Il y a des canaux qui traversent les rues. On ne peut oublier l'eau qui serpente dans les détours. C'est dire, on est à peine aller du côté plus urbain, à deux coins de rue tellement on est bien par ici.
Ça change du mouvement perpétuel de la capitale mais tout de même, la cité bouge pas mal. Comme je le disais dans mon message précédent, nous étions ici pendant les jours fériés qui célèbre la venue de l'automne. Beaucoup de touristes, japonais. Certains endroits, hautement touristiques, parfois un peu trop, affichaient un nombre record de visiteurs. Kyoto est le centre historique du pays, célèbre pour ses nombreux temples. Il y en a. On les visite.

Hier, nous avons fait le chemin de la philosophie, qui fait le lien entre plusieurs d'entre eux, de plusieurs époques. On longe un canal sous les saules et on s'arrête pour voir. Il y a deux choses très étonnantes: jamais on ne peut croire que derrière les arbres, ou un mur, on y trouve des monuments aussi vastes. Les temples sont faits de pavillons divers, des passages en bois, de pagodes, de jardins... Le bâtiment central est souvent immense, impossible d'imaginer cela au premier coup d'oeil.
La deuxième chose qui surprend, c'est que chacun des sites est unique. On pense: oh, celui-là on peut le sauter peut-être, et on entre et on est surpris par sa singularité, sa personnalité propre. Ils sont souvent, ici à tout le moins, à flanc de collines, dans la nature verte au sol en mousse. Les couleurs sont perçantes, le bruit de l'eau venant des sources sacrées nous berce. C'est tranquille.
Et les jardins. Le Japon, pour ceux qui ne le savait pas, est le pays du raffinement. On s'étonne au début de cette manie qu'ont les japonais de sur-emballer les paquets au magasin, on comprend finalement que ça relève d'un grand souci de pureté et de grâce au niveau visuel. Les jardins sont donc esthétiquement très travaillés, précis, élégants. Le Pavillon d'argent, qui commence le chemin de la philosophie, ne donne pas sa place. Les aires de sables, les arbres, les pierres, tout est soigneusement réfléchi. C'est magnifique de se promener là-dedans et comprendre pourquoi le silence nous habite, pourquoi le calme nous appelle. On ne peut faire autrement.
Zen disiez-vous?

Puis, aujourd'hui, on est allé dans l'ouest de la ville pour aller voir la Forêt de bambous. Tsé comme dans Tigre et dragon. Vraiment impressionnant. Ce qui marque le plus, c'est encore les déclinaisons de verts, parfois allant sur le gris, qui embrassent notre regard. Peu importe où on lève les yeux, la couleur nous attaque de toutes parts. Puis, la verticalité. Ces arbres longs et fins, se perdent et forment une voûte au-dessus de nos têtes. Le peu de lumière qui traverse éclaire un tronc si bien découpé. Même la nature est raffinée par ici.
Puis, on fait un tour dans une gorge, sur un bateau qui vogue sur l'eau grise transparente. Nous sommes vingt sur l'embarcation, conduits par trois messieurs: un qui rame et deux à l'aviron. On se laisse aller dans le creux des montagnes à la végétation dense, touffue, pesante. Les hérons nous regardent passer, nous espionnent même. Deux heures de douce promenade...

On refait le monde. On profite de l'été qui s'étire. C'est vraiment les vacances. Le temps passe. On compte maintenant sur une seule main les jours qui nous restent et on savoure chaque heure. Je suis devenu un voyageur lent. Je ne m'en fais plus avec le temps que je perds et je profite de ce qui passe, non pas de ce que je ne vois pas.

Je vous embrasse,
bonne fête mon frère.

Votle dévoué,

Fled.

Photos:
1-Gion est ses maisons en bois
2-Le vert de la nature

lundi 21 septembre 2009

Message pour Emile: je suis au pays des Geishas


Salut mon grand roux,

Aujourd’hui, j’ai quitté la capitale du Japon pour me rendre à Kyoto. Peut-être que ça ne te dit rien, et je ne sais pas si tu sauras de quoi je parle si je te dis qu’ici s’est signé un protocole entre plusieurs pays pour améliorer le sort de la planète: l’Accord de Kyoto. Depuis, plusieurs pays, dont les États Unis ne l’ont pas ratifié et on continue allègrement de polluer. On verra qui avait raison ou tort dans quelques années.

En tout cas, ce n’est pas pour ça que je suis là.

J’ai terminé de travailler vendredi dernier et maintenant, je visite. Je m’ennuie déjà de Tokyo, je ne sais pas, peut-être que quand tu étais petit, tu ressentais quelque chose en moi qui aimait déjà cet endroit quand tu m’appelais, on ne sait toujours pas pourquoi, Geisha. Je me sens bien ici, tout est zen. Et pourtant, ça grouille de partout. Il y a un équilibre qui me sied bien.

Je suis donc parti avec Élise et Marie-Josée ce matin et nous sommes arrivés vers midi. Nous sommes plus au sud, il fait très beau, c’est l’été. On commençait à sentir le vent frais de l’automne à Tokyo, mais pas ici. Parlant de l’automne, depuis hier, les japonais sont en congé pour fêter l’arrivée de la nouvelle saison: résultat, 3 jours de vacances et du monde qui voyage. Ce n’est pas pratique quand on cherche un hôtel. En effet, depuis la semaine dernière, on a tout fait pour essayer de trouver un endroit pour dormir et ce n’est que ce matin, quand nous sommes débarqués, que nous avons trouvé. Nous dormons les trois dans une petite chambre, ce n’est pas l’idéal, mais c’est propre et décoré à souhait (des posters de Madonna version année 80 sur les murs). L’important, c’est de dormir et d’être dispos pour visiter cette cité au coeur du pays, entouré de montagnes, cité millénaire qui est la seule à avoir survécu à la deuxième guerre mondiale et donc, qui recèle de magnifiques quartiers anciens. Les maisons sont en bois, avec les portes coulissantes, les temples sont arrosés d’eau sacrée, et dans les rues, on y croise des geishas, des vraies. Ce sont de jeunes filles qui étaient (et encore aujourd’hui? Je ne sais pas) formées pour bien recevoir et servir les hommes: elle apprenaient les arts du thé, de la danse, de la bienséance et autres (je vais te revenir là-dessus). Elles sont maquillées , toutes blanches, et vêtues du costume traditionnel, elles portent des souliers en bois, des plate-formes qui ne semblent pas confortables. Elles sourient au passant et apparemment, vont dans des soirées dans des lieux privés, avec ces messieurs. Je mets des photos pour que tu vois.


Bref, nous sommes arrivés, et puis, on a déambulé dans ces rues sous un soleil radieux, on découvre un autre rythme: Kyoto c’est grand mais il reste que nous sommes en région et ça se sent. Il n’y a rien de cosmopolite. Mais il y a du monde... Encore. Ce que je remarque, c’est que les japonais visitent beaucoup leur pays. Il n’y a plus de chambres, mais ce ne sont pas les étrangers qui les occupent, mais les gens d’ici. Nous ne croisons pas tant de peaux blanches. Et en plus, il y a énormément de jeunes de mon âge, des familles, des amis dans la vingtaine et ils visitent, ils parcourent les temples, font la file pour prier et continuent leur chemin. C’est beau à voir. Et ça me fait me questionner sur bien des trucs.


Tu es chanceux, tu as vu Paris et Rome, tu as vu le Québec pas mal et sache que c’est un atout important. Il faut aussi visiter son pays, non? Il faut franchir les portes de nos églises, aller dans nos musées, nos lieux historiques Je suis vraiment ému de savoir qu’en amis, les jeunes, ici, sont curieux de voir les monuments qui se cachent un peu partout. C’est vrai, chez nous, on va dans la nature, on va aux pommes, pas trop loin, mais je pense que ce serait super si on prenait plus souvent la 138 pour visiter les villages qui ne sont que des noms sur l’autoroute. Ça vaudrait la peine. Je ne sais pas ce que tu en penses.


Demain, on va continuer notre tour.

Je me sens loin. J'ai hâte de voyager avec toi. Je me disais ça plus tôt. Ce serait super de partir avec Patrice et d'aller dans une place comme ici. Être encore plus dépaysé. Non?

On va demain dans la forêt de bambou où on tourne des films de samouraïs. On écoutera Tigre et dragon quand je reviendrai, tu vas capoter.

Allez je te laisse là dessus.


J'ai hâte de te voir.


Ton dévoué tonton au Japon,


Fled

x

samedi 19 septembre 2009

Nos planètes se séparent

C'est le coeur gros que nous nous sommes quittés ce soir.
Ça y est.
Bukkushuppu est déjà un projet passé. C'est inimaginable.
Devant le restaurant où nous sommes tous allés manger ce soir après la représentation, nous avons tous pleuré. Avions-nous trop bu? Je ne pense pas. Je crois au contraire que nous avons fait la preuve par mille que le théâtre n'a pas de frontières et que ça s'est juste passé. Ça a eu lieu. Mais le théâtre c'est aussi ça: créer sans cesse des familles que nous quittons. Une bonne dose de drogue, le trip est bon, mais il y a toujours et encore une descente.
On a marché lentement sur le trottoir en direction du métro et tranquillement la meute a diminuée jusqu'à nous retrouver entre nous, les québécois, une autre famille, déracinée celle-là aussi, dans cette ville aux milles lumières qui brillent et nous bouleversent.
Je n'ai pas grand chose à ajouter. Je n'ai pas beaucoup de mots ce soir. Les mots sont la dernière chose disait Paule au Conservatoire, et là, je veux peut-être les garder pour peut-être garder l'impression de grand bonheur et de grande tristesse qui m'habite... Je ne veux peut-être pas encore croire.

Mais bon, il reste une partie de voyage, celle de Kyoto, des montagnes, de Fuji-san, et le retour à Tokyo. Il reste la partie visite. La partie touriste.
Il faudra me déraciner lundi. Partir une fois d'ici. Et je reviendrai. Je reviendrai. Je reviendrai.
Je reviendrai voler au sommet d'une tour voir l'étendue infinie des rues.
Je reviendrai m'asseoir sur un tabouret ou sans souliers à une table basse, manger ces milles saveurs nouvelles.
Je reviendrai me perdre dans le silence de la foule.
Je reviendrai découvrir les ruelles étroites des petits quartiers au tournant des grandes avenues.
Je reviendrai parader moi aussi dans de beaux vêtements.
Je reviendrai au croisement des rues, avoir l'impression de foncer dans un mur d'inconnus.
Je reviendrai sonner la cloche de tous les temples sous les yeux doux de Bouddha.
Je reviendrai attendre le métro ou descendre ou monter les escaliers, poliment.
Je reviendrai lever les yeux vers ces murs aux lignes pures.
Je reviendrai oublier le monde, mon monde, pour sans doute espérer y revenir.
Je reviendrai loin de vous. Mais sans doute pas tant que ça.
Je reviendrai encore jouer au poète sur la toile.
Salut Cayo, Yasuhiro, Mieko, Ken, Kyoko, Kame, Ayoko, Machiko.
PS. Je vous présente Ayoko. Je ne l'avais pas fait officiellement. Elle a été ma pensée pendant ce mois. Sans elle, les mots ne se seraient pas passés. Pendant un mois, on s'est parlé à l'oreille, tout bas, on a essayé de se comprendre, on s'est fait répéter, on a fait répéter les autres, on a fait La Librairie. Ce n'est que tout dernièrement que je me suis rendu compte combien près on a pu être. C'est une relation très étrange que celle d'être avec une traductrice. Notre lien se développe par des mots qui en dehors du contexte, ne veulent rien dire. Et pourtant, nous nous sommes tant rapprochés, nous avons tant échangé, partagé. Elle m'a guéri de mon allergie hier soir avec ses mains d'ange qui nettoie des mauvaises énergies, elle m'a offert du thé ce soir, elle m'a laissé sa carte (j'ai d'ailleurs su son nom de famille, je ne l'avais jamais su) en me disant: appelez-moi quand il y a des énergies mauvaises , je vais penser à vous. On s'est vouvoyé tout ce temps et finalement, on s'est quitté dans la station de métro en se saluant de loin.

Bonne nuit.

Votle dévoué,

Fled

xx

jeudi 17 septembre 2009

Harajuku, mon amour

Il me semble que je dois partager avec vous la splendeur architecturale de Harajuku, mon amour. On parle souvent de Tokyo comme d'une ville moderne, aux lignes impeccables, ville de demain, ville futuriste même. C'est, d'une certaine façon, plutôt vrai. En fait, deux (ou douze) mondes se confondent. Tokyo a presque été entièrement détruite pendant la deuxième guerre (une autre!). Et comme Berlin, elle a dû se relever. Il y a donc très peu de quartiers anciens. Quelques temples ont survécu, quelques rues, mais très peu. Au début des années 90, le Japon était si riche qu'il aurait pu bouffer les États-Unis, puis une longue récession a accablé le pays. Aujourd'hui, il tente encore de se relever de ce dur coup qui a entre autres privatiser les lignes de trains, mis fin au règne de l'emploi à vie, et donc jeter des milliers de gens à la rue. Le pays n'est pas pauvre pour autant et surtout pas aux niveaux des idées. J'en arrive à Harajuku, mon amour. Ce quartier est un des plus vivants, un des plus prolifiques, un des plus déroutants, mon préféré, je l'avoue. Ginza fait plutôt bourgeois, Harajuku a gardé un côté en marge, jeune, surtout pas figé.
Les rues regorgent de petites maisons cubiques, souvent en béton gris, avec de larges vitrines derrière lesquelles on trouve les boutiques de designers locaux, des restos et bars éclectiques, des galeries d'art parfois intenses, souvent invitantes. On se promène donc dans le labyrinthe et chaque détour nous mène ailleurs. Quelques magasins m'ont fait mal par tant de beautés, mais surtout par tant d'originalités, de singularités, de débordements. On est au croisement du Marais à Paris, de Soho (ou East Side?) à New-York, de Kreuzberg à Berlin, mais plus encore... Je sais pas, c'est unique.
Le quartier est aussi un repère de la jeunesse branchée, colorée... Se promener sur la grande rue est comme une défilé de mode, mais rien de convenu, de formaté. Une foule bigarrée aux allures inventives, on a le goût de les prendre en photos et trouver le linge. On a le goût d'avoir ça dans tous nos shows, des lignes, des superpositions, des couleurs, des personnages à chaque coup d'oeil. Harajuku, mon amour, c'est pourtant un coin relax, où toute cette mode habille la ville, lui donne ce qui fait qu'on peut dire: oui, oui, je suis à Tokyo. Ça me rappelle ce punk, aux milles piercing et au mowhak rouge au HMV à Londres qui m'avait fait dire: je suis à Londres. Sauf que là, c'est partout!
Mais je voulais parler d'architecture (mais bon, pardonnez-moi et dites-vous que la mode vestimentaire doit certainement être traitée de la même façon comme une architecture du textile, comme une oeuvre à part entière... je m'en sors bien non?)

Harajuku mon amour, c'est aussi l'occasion de croiser, donc, des buildings aux lignes inimaginables. Tout en haut et juste ici à gauche, j'ai mis deux photos de Prada, construit tout dernièrement, au coin d'une rue qui a l'air de rien... Les artistes qui ont dessiné la tour ont voulu reproduire, en verre, la texture molletonnée d'un vêtement. Et ça marche, on dirait un morceau de linge qui pourrait s'envoler et pourtant, l'édifice nous renverse par tant de force, de présence.
Il y a donc de ci de ça, plusieurs tours qui attirent les yeux au ciel, comme les cathédrales, mais modernes celles-là, et qui nous séduisent par les lignes inhabituelles, voire impossibles, qui nous fait nous demander comment ça tient, comment ça résiste au tremblement de terre. Et en même temps, on remercie le monde qu'il y ait des endroits sur cette terre où on laisse s'élever des murs aussi magnifiques, on remercie la vie que l'art soit véritablement partout autour, que toutes les rues de cette planète ne soient pas des Boulevards Laurier.
La pureté des lignes, l'excentricité bien dissimulée, avec goût, audace, intelligence permet que se côtoie le quotidien et le sublime dans un même pâté de maison et nous fait nommer cet endroit, Harajuku, mon amour!
Plus haut, j'ai mis une photo d'une galerie d'art (j'arrive pas à la mettre ici, maudit blog!!), genre COOP, qui permet à de jeunes artistes de présenter leurs oeuvres une semaine ou deux. On entre et il y a une série de petites pièces blanches avec une terrasse derrière où ils peuvent échanger et rencontrer les visiteurs. J'ai vu de tout, allant du plus plate au plus excentrique! Cette co-habitation d'architectures savantes avec ces galeries explosives, c'est le plaisir même de ce quartier japonais qui m'a rappelé au moins trois fois depuis que je suis ici.
Avec tout ça, j'ai une première ce soir.
L'entrée en salle s'est bien déroulé, quelques frictions, dû à la traduction, à la différence des cultures, mais aussi au fait que Basta! la compagnie qui nous reçoit, est pas riiiiiche et que le directeur technique fait la régie, la patine, les courses, allouette! Je l'aime ben, mais j'avais pas besoin de gérer son stress. J'ai quand même une actrice fragile avec qui je savais plus quoi faire. La nervosité bouffe tout chez elle et il m'a fallu répéter plusieurs plusieurs fois les mêmes choses avant qui se passe de quoi. Elle avait aucun plaisir, aucune liberté, aucune foi en elle-même. Je sais pas ce qui s'est passé y a deux jours, tout a débloqué après un enchaînement désastreux. J'ai dû être plus ferme et sans gants blancs, la brasser un peu. Le lendemain, elle a accepté de se lancer et ça y est! On l'a. Depuis, ça lève, ça s'ouvre. Je suis content, ses compagnons aussi. Je me suis trouvé un kit de première, je vous dit pas comment c'est beau!

Ah oui, et hier, on a fêté. On est allé au Karaoke center. Il y en a partout. C'est vraiment très plaisant. Édifice de huit étages, des corridors avec des petites salles dans lesquelles il y a des fauteuils, une télé et un truc pour programmer des chansons. On a chanté comme des malades pendant deux heures. Les québécois en vacances, mes amis.
Carol et Marc partent dans deux jours, nous on s'envole pour Kyoto dimanche...
Je sais pas quoi penser de tout ça encore. Je veux pas que ça se finisse. Je veux pas. J'ai une petite vie ici que j'aime, que je sais éphémère, mais simple. Ma vue du 17e va me manquer. En tout cas. Je me plains pas. Je suis émotif c'est tout. Mon Québec est un monde très loin encore... Je ne sais plus où j'habite et quand je pense que j'ai un cellulaire et une télé à la maison, on dirait que je sais pas de qui je parle.
Mais faites-vous en pas... La vie me rattrapera. Surtout que je m'en vais 2 mois à Saint-Hyacinthe en revenant. My god, le charme opère.

Bonne fête Tova, Patrice et Marie si je vous revoie pas pendant mon séjour à Kyoto parce que je traînerai pas mon ordi certain. Je vous aime tellement. (je suis vraiment émotif là!)

Je vous embrasse.

Votle dévoué,

Fled

mardi 15 septembre 2009

Nikko, Jobed, Shakespeare et les autres...

La fin de semaine est arrivé à point, après une grosse semaine de détails. Toujours aussi intense comme travail. Je somme les artistes de prendre congé et de se reposer, mais je sens bien que ce discours ne les atteint pas. Ils resteront sans doute encore quelques heures pour repasser les notes données après l'enchaînement de samedi... moi je file. J'ai besoin d'aller voir ailleurs si j'y suis. French way to work my friend. Je sais pas si j'ai raison ou tort, mais je me sauve.
On se lance dans Harajuku, vers un musée d'art contemporain, mais on ne s'y rend pas parce qu'entre la station de métro et le dit musée, il y a 1- du monde, 2- des magasins pas possibles (Harajuku est le quartier des designers) 3- qu'on a faim et 4- du monde. Ce qui fait qu'on met les pieds dans le musée, mais qu'il est déjà l'heure de se rendre au théâtre. Carol, Marc et moi, on va au Kabuki-za. J'y retourne parce que 1- je suis encore fasciné de ce que j'ai vu, 2-je veux le partager et 3- on vient pas au Japon toutes les semaines. La partie auquel on assiste est bien différente de l'autre, plus statique, il y plus de monde alors on est debout, je reste avec et toujours cette impression d'assister à une chose tellement singulière, atypique, et pourtant si appréciée des spectateurs.
La semaine dernière, en mangeant au resto avec Kyoko, on commentait le programme qu'on voyait à la télé (la télé japonaise est aussi très haute en couleurs) et donc, c'était une émission genre Deux filles le matin (sic), avec 6 animateurs qui crient et font des sketchs et ils recevaient un jeune type très branché, dans la vingtaine, les cheveux décolorés, les grosses lunettes, à la mode de 2020, bref, un spécimen japonais comme on les aime... Je demande à Kyoko qui il est pour être reçu sur un plateau de télé pareil. On imagine une star de la pop, ou un acteur dans Vilginie ou Histoiles de files, mais non, c'était un acteur de Kabuki très célèbre. Je me suis étouffé avec mon sushi (parce qu'il y avait trop de wasabi, pas à cause de lui quand même, mais avouez que c'est une belle coïncidence). Je ne m'imaginais pas que les acteurs de ce théâtre était à ce point des stars. C'est sûr que ça change pas la vie de personne d'être vu à ce genre de show télé, mais si ils jugent que ça rejoint leur public, c'est tout de même impressionnant. La culture nippone est très ancrée dans les moeurs et c'est beau de voir que malgré la présence très forte d'un monde commercial puissant et agressant, les formes traditionnelles sont partagées et célébrées.
Dire que le Moulin à paroles est objet de discorde.

Puis, dimanche, on est sorti de la ville. NIKKO. C'est à deux heures de train, on se lève de bonne heure pour cette ville qui, semble-t-il, fait que le Japon est le Japon. C'est un site classé patrimoine culturel par l'Unesco, il regorge de temples bouddhiste et shintoïste allant du plus modeste au plus clinquant. On traverse la ville sur la rue principale pour se rendre à ce parc au pied des montagnes, où l'eau claire coule à flot. On peut d'ailleurs se désaltérer à plusieurs points dans la ville, il y a des buvettes un peu partout, l'eau est fraîche, savoureuse.
Il y a donc plusieurs temples magnifiques, au toitures dorées, beaucoup de touristes, plusieurs qui prient, en groupe, alors qu'on moine leur explique les particularités des lieux. De toutes les beautés comme disait l'autre! Ça fait un bien fou de s'évader de la sorte, de marcher lentement au grand air, sous un soleil presque automnale. On fait des voeux, on se purifie à l'encens, on termine le tout dans les antiquaires, où on trouve de belles affichettes d'autrefois, des meubles, des livres qui dégagent une forte odeur du passé entre chaque pages jaunies...
Élise et moi avons terminé le tout en mangeant un dessert de soya chocolaté dans un petit resto trop mignon. Un régal. Je dis Élise et moi parce que Marc n'était pas là. Il travaillait au montage.
Et Carol non plus n'était pas là.
Et voici pourquoi:
revenons plus tôt dans la journée si vous le voulez bien. On se lève, on va acheter nos billets de train, on se retrouve sur le quai et on attend. On=Élise, Carol et moi. Le train arrive. On embarque. On remonte dans le wagon pour rejoindre nos sièges, Carol est derrière. Il voit que des gens arrivent dans l'autre sens, que l'allée est bloquée. Je l'entends derrière: moi, je vais passer par dehors. J'ai l'impulsion de faire de même, mais je décide de continuer mon chemin. Puis, j'entends: ppssscccchhhhhhhhh. La porte du train qui se ferme.
???
Carol?
Sti, Carol est pas dans le train.
Le train part.
Élise, Carole est pas dans le train.
Quoi?
Regarde!!
Et on voit Carol, sur le quai, son billet dans la bouche, qui hausse les épaules. Il ne viendra jamais à Nikko. Je peux-tu vous dire que j'ai trouvé ça très absurde et très drôle. Toute la journée, on faisait comme si on cherchait Carol et quel ne fut pas mon plaisir le soir venu de rire de lui. Oh que je vais m'en rappeler!
Parlant du soir venu, ce soir là, Jobed (Marie-Josée Bastien) est arrivée. On est allé manger en gang. Soirée boeuf, comme si c'était devenue une tradition de célébrer l'arrivée d'un d'entre nous autour du BBQ-maison, dans une petite pièce privée où il faut enlever ses chaussures. Belle soirée en tout cas, belle journée, belle soirée. Merci Nikko, merci Carol!

Puis, hier, autre journée de congé. Tout le monde est en salle et je ne suis pas requis. Technique. Je vais présenter la ville à Marie-Josée. On se promène, on fait du shopping, du glandage comme on dit, dans Ginza. On cruise chez Sony et finalement on repart avec des écouteurs dernier cri après avoir chanté and the whole world has to answer right now just to tell you once again who's bad*. La boutique Sony, c'est 6 étages de salles de démonstration de produit dernier cri ou à venir. Il y a en effet des articles qui ne sont pas encore sur le marché, mais qu'on peut essayer. En tout cas, mes écouteurs, y sont hallucinants!
Et romantique comme je le suis, j'ai terminé ma soirée, branché, au 17e étage, sur le balcon de ma chambre, à regarder la ville et ses passants, me faisant mon propre vidéo clip dans ma tête, essayant de figer encore et toujours l'impossible étalement urbain de cette mégapole, au rythme affolant des super bass de mes écouteurs et des airs enlevants les plus remplis d'émotions que je peux pitonner sur mon ami Ipod. Je le sais, je suis intense.

Et Shakespeare?
Et bien figurez-vous qu'on a terminé cette journée au Théâtre National de Tokyo pour assister à une représentation de Bunraku:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Bunraku
qui est du théâtre de marionnettes traditionnel. Sur le côté cour, un narrateur et un musicien. Le narrateur a devant lui le texte dans un grand livre sur un socle. Il lit tous les personnages. Et devant nous, ces magnifiques personnages manipulés par trois personnes. Le rideau de scène était blanc crème, sur lequel il y avait de grandes fleurs vertes, elles-mêmes brodées de fil d'or. Au lever, 8 musiciens jouent le bruit de la tempête. Parce que oui, la pièce qu'on y jouait était inspirée de La Tempête de Shakespeare. Le narrateur change au deuxième acte, accompagné cette fois d'un trésor national.
(À ce rythme là je me coucherai jamais, il est minuit douze)
Les japonais ont des trésors nationaux: des monuments, des oeuvres d'art, des objets anciens et aussi des personnes vivantes. Ils nomment un artiste, un scientifique ou autre personnage important, qui devient un trésor. On reconnaît par là sa valeur et son apport à sa société. La personne se voit octroyer de quoi vivre pour toujours et peut continuer à développer son oeuvre, son travail. C'est-ti-pas beau ça? Or, le deuxième acte était accompagné de la musique de ce trésor national (dont je n'ai pu retenir le nom, désolé). Une pièce unique.
Dire que le Moulin à paroles est objet de discorde.
Très beau spectacle. Fascinant. Plus facile à décoder que le Kabuki. Émouvant. La troisième partie, tous les narrateurs se retrouvent ensemble, plus les musiciens. Apothéose. Une autre belle soirée qui se termine autour d'une soupe vietnamienne.
Puis, aujourd'hui, retour au travail, il reste trois jours. Je vais pas tout vous raconter, mais je suis resté en salle 12 heures. Là je vais me coucher.
Demain.
Demain, je verrai si j'ai l'énergie pour tout vous dire.
Encore.
Je vous aime.

Votle dévoué,

Fled.

*en hommage à France et Kathleen à qui je souhaite merde pour sa première ce soir!

Photos:
Détails d'une toiture dorée d'un temple
Frise avec des singes qui n'entendent, ne disent ni ne veulent voir le mal. Nikko.

dimanche 13 septembre 2009

Dire non.

Je me sens loin aujourd'hui et pourtant je suis très près. J'ai laissé mon ordinateur ouvert toute la journée même si je n'étais pas là pour que les mots du Moulin à paroles résonnent et s'inscrivent dans les murs de ma chambre, ici, à Tokyo.
J'ai laissé mon ordinateur transmettre jusqu'au bout du monde une parole utile, une parole obligatoire, une parole dangereuse pour certain parce qu'ils ont peur, une parole essentielle, une parole de chez-nous, de ce que nous sommes et qui nous séparent, nous divisent. J'ai laissé les mots voyager parce que les frontières ne sont plus une excuse pour ne pas vouloir exister.
J'ai attrapé quelques-uns de ces mots et les ai laissé me traverser le corps et l'âme, et c'est un peu pourquoi aujourd'hui je me sens loin. J'aurais voulu me déporter 24 heures.
J'entends pourtant dans ces mots tant d'appels à la volonté d'être, au besoin d'être ensemble, à ce besoin de pouvoir se nommer, se crier, se chanter, se dire, s'entendre. J'entends au fil des 400 ans que traversent ces mots matraques, ce sentiment puissant de vivre ce que nous sommes, comme nous sommes, fiers.
J'entends dans ces mots la dure difficulté de pouvoir dire non. Un non dont le résultat sera oui. (Je dis sera parce qu'il me semble qu'on ne peut pas dire oui tout de suite: c'est rester dans l'utopie).
Il faut dire non.
Non à l'impossibilité de prendre sa place réellement. Non à toutes ces manières odieuses dont nous sommes chaque jour exposés pour nous faire taire: coupures budgétaires, débats vides autour d'une histoire qui est pourtant la nôtre, diffusion large de la médiocrité dans les médias, acceptation d'une présence politique sans culture à qui il faut expliquer pourquoi parler français ici est important, pourquoi il faut que nos enfants lisent, chantent, voient notre langue se tenir debout. Non à une transmission défaillante de notre Histoire. Il nous faut un non qui se lève et qui marche. Un non qui n'attend pas, qui n'attend plus. Un non que l'on étouffe dans les grandes surfaces. Un non qui dit ça suffit! Un non intelligent, qui donne de l'espace à chacun, un non qui ne nivelle pas vers le bas, un non qui dépasse une lutte de frontières, un non qui peut se dire no, niet, iie, nada!
Un non ouvert.
Un non disponible.
Un non à nous.
Un non possible.
Pourquoi est-ce si difficile?
Pourquoi accepter l'étouffement?
Pourquoi voter pour des dirigeants qui ne se battent pas? Qui ne se soulèvent pas? Qui ne veulent pas se soulever?
Pourquoi avons nous si peur de dire non?
Pourquoi ne pas vraiment accepter l'autre et donc s'accepter?
Pourquoi accepter que le dernier refus global date de 50 ans?

Je me sens loin. Je suis heureux, je suis triste.
J'aurais voulu que tous mes compatriotes québécois vivent ce 24 heures comme le début de quelque chose. Ils ont préféré se battre dans le vide dans les journaux pendant deux semaines et bêtement s'absenter. Ils ont torts.
Je me sens loin, mais près de vous, tous.
Je me sens québécois.
Je me sens français.
Je me sens au début de quelque chose.
Je me sens capable.
Je nous sens capable.
Il faut recommencer et que la révolution ne soit plus tranquille.
Que la révolution passe par nos mots tous les jours.
Il faut les écrire sur les murs.
Les crier sur nos scènes.
Et ne plus avoir peur de ce qu'eux qui ont préféré s'abstenir diront.
Car ils ont torts.
Les mots de ce moulin le prouvent parce qu'ils se font encore entendre...


vendredi 11 septembre 2009

Je peux tu vous dire...

-que j'aime ça revenir tranquillement dans les rues du petit quartier où on travaille et croiser les mamans japonaises à vélo;
-que j'aime ça quand elles ont avec elles deux petits bébés japonais avec des faces belles comme le jour;
-que j'aime ça voir le même marchand sortir son étale de disques vinyles tous les matins
-que marcher dans la foule pour aller dans le métro comme des poissons dans le courant marin m'étourdit;
-que me promener dans le Supa au sous-sol 2 du Tobu et regarder le poisson, les dumplings, les gâteaux et les autres, ça me fait tripper;
-que le monsieur qui tape sur un casque de moto en bas en face de l'hôtel en faisant jouer des beat sur un clavier est vraiment étrange;
-que j'ai jamais aimé la soupe Miso pis que là, ben j'adhère pas non plus;
-que quand Ken dit arigato deux fois dans la pièce, c'est drôle en étole. Je sais pas si pour les japonais c'est drôle mais moi je trouve ça trèèèès drôle;
-que quand Cayo, assise dans un coin en lisant son texte, me fait un clin d'oeil et un sourire gênée, c'est toujours étonnant;
-que selon Kyoko, y a deux choses qui font que tu es un vrai japonais de Tokyo: quand tu dors dans le métro pis quand tu fais du bruit en mangeant tes nouilles soba;
-qu'internet est vraiment une chose merveilleuse;
-que je trouve ça dur de répéter quinze fois la même affaire à Mieko;
-que j'ai hâte de retourner dans Harajuku pour voir les ados habillés en poupées;
-que j'ai hâte de retourner dans Harajuku pour mégasiner;
-que j'ai hâte de retourner au karaoke pour chanter des chansons de Simon and Garfunkel;
-que j'aimerais ça parler japonais pour dire des niaiseries de metteur en scène dans la salle de répet;
-que j'adore que Ayako traduise le metteur en scène par le mettre en scène;
-que les rides de Ken quand il sourit sont tellement jolies;
-que je comprends pas pourquoi les acteurs japonais aiment pas ça les entre scène sans black;
-que j'ai mangé des tendons de poulet et que c'est dégueulasse;
-que j'ai vécu mon premier métro surbondé et c'est une chose unique et terrifiante et très drôle;
-la toune Arigato de Jobed est la chose la plus drôle au monde;
-l'Ambassade du Canada à Tokyo est une merde de merde, la traduction en français du mot de l'ambassadeur dans le programme du show a douze fautes par ligne. Dire qu'on est un esti de pays francophone. Que ceux qui doutaient de mon indépendantisme n'en doute plus...
-que cette toune là est l'fun à chanter dans le karaoke: http://www.youtube.com/watch?v=mXcQGsoDkDk&feature=fvst
-que je vais en rajouter cette fin de semaine des jepeuxtuvousdire alors suivez moi...

jeudi 10 septembre 2009

Ayako chez Vanilla B.

Salluuuut.
Ohisashiburi!*
Je vous ai délaissé un peu mais c'est de la faute à la technologie. Mon ordi a planté au moment où je terminais hier et j'ai pas eu la patience de recommencer. Ça y est, je suis là, voici la suite de mes palpitantes aventures nipponnes...

On est retourné en salle de répétition pour faire du travail de détail d'interprétation. Pas de problèmes pour travailler de la dentelle avec mes acteurs japonais, ils sont vaillants et nous font parfois sentir un peu paresseux... Je termine souvent entre 17 et 18h mais ils restent jusqu'à 20h pour réviser. Ça a du bon, pas besoin de redemander des trucs, la job se fait. Je dis pas que mes amis canadiens sont douillets. Au contraire. C'est une façon d'envisager le travail qui est différent. Ils préfèrent le faire en salle avec les autres que chez eux. C'est typiquement culturel. Le travail prend une place importante dans leur vie, pose même parfois problème au niveau familial. La bière après la job avec les collègues est de coutume, ça fait pas des enfants forts. On a fêté l'anniversaire de Yasuhiro il y a deux jours, le lendemain, je lui ai demandé si il avait fêté un peu à son retour à la maison et il m'a dit que sa femme et lui s'étaient disputés parce qu'il était entré tard.
Parlant de ça, on a pris une coupe de champagne à sa santé et on a chanté. Il n'y a pas de chanson d'anniversaire typiquement d'ici, ils chantent Happy birthday. J'ai cru bon pousser la chansonnette et interpréter Yasuhiro, c'est à ton tour de te laisser parler d'amour... Ils ont trouvé ça charmant.
Le coeur est donc à la fête. L'ambiance est totalement détendue, on s'amuse beaucoup. Tout le monde est de plus en plus libre, je n'ai plus besoin parfois d'utiliser mon dictionnaire cérébral pour me faire comprendre. Je me promène dans le décor et fait un déplacement en disant: nananananana et ils savent de quoi je parle. Après, je gesticule un peu et ils font oui de la tête. On refait la scène et tout est intégré. C'est beau d'abattre de la sorte toutes les barrières linguistiques. Ils possèdent la pièce de plus en plus. Je suis content. On a enchaîné aujourd'hui et on fera de même demain vendredi et samedi. Le rythme est bon, on rit, on est touché, la librairie a retrouvé sa douce folie si séduisante. Étrangement, même en resserrant, la représentation dure un peu plus de 1h15 contrairement en français en en anglais où nous n'allons jamais plus loin qu'une heure. Ah le japonais et ces tournures grammaticales. Une chance qu'on fait pas le roi boiteux, on serait encore en train de mettre en place la première partie.

Parenthèse: en chantant la chanson de fête, il m'est revenu une savoureuse anecdote que j'ai oublié de vous raconter. Voilà. La première semaine, alors que nous étions à table, je faisais la genèse de nos choix faits il y a de cela six ans en créant le spectacle. Je leur expliquais les pourquoi du comment. Puis, est venu l'explication autour du choix de Plaisir d'amour que chante Samuel en faisant du chocolat. J'expliquais que je l'avais choisi parce que j'avais entendu Gilles Vigneault à la radio dire qu'aucune chanson d'amour plus belle n'existais sur la terre. Ayoko, qui ne me connaissait pas encore et essayait de me suivre entre mon anglais maladroit, mon français de québécois et mon japonais limité à deux syllabes, Ayako, donc, pour ne pas se perdre, prenait des notes. Parfois, je dois développer une idée sur plusieurs phrases alors elle écrit pour ne rien oublier. Je dis donc que j'ai choisi la chanson à cause de Gil-les-Vi-gneault. Elle me demande de répéter: Gil-les-Vi-gneault. Gil-les-Vi-gneault. Elle fait oui de la tête et l'écrit su son papier pendant que je continue: Gil-les-Vi-gneault. Puis, quand vient le temps de traduire, elle baragouine quelque chose qui ne ressemble pas à Gil-les-Vi-gneault. Je jette un oeil sur sa feuille... elle avait écrit: J'ai le vignon. Fin de la parenthèse.

Parlant d'Ayoko, puisque je n'en ai pas beaucoup parlé encore. C'est une femme dans la cinquantaine qui travaille souvent pour la délégation québécoise. Elle a rencontré ben du monde de chez nous. Elle est toute petite, très fière, avec des grands yeux et un don. Elle guérit par l'imposition des mains. J'ai développé une grande complicité avec elle et de plus en plus, on a beaucoup de plaisir. Parfois, elle passe des commentaires très discrètement sur un tissu ou un chapeau. L'autre jour, pendant un essayage, elle me dit: ça fait cheap non? J'ai trouvé ça trop drôle. En plus elle avait raison...
Bref, mardi, elle devait nous mener à la Délégation pour des affaires protocolaires (où le délégué a cru bon ne pas se pointer, mais on s'est quand même fait payer une bouffe... je ne développe pas plus)... et dans le métro, je dis le mot crédible, je ne sais plus pourquoi. Elle n'arrive pas à trouver l'équivalent japonais, à bien comprendre. On s'est mis à mettre le mot en contexte, Carol utilisant la phrase suivante: Frédéric est crédible comme metteur en scène mais pas crédible comme jouer de hockey. Elle a compris allez savoir pourquoi! Plus tard, parce qu'on jasait, elle a oublié de nous indiquer la bonne sortie de métro, on a dû revenir sur nos pas, puis, dehors, elle trouvait plus la délégation. Elle marchait à mes côtés et soudain, elle me dit tout bas: Ayako n'est pas crédible comme guide touristique. J'ai éclaté! Depuis, on passe notre temps à essayer de ploguer le mot un peu partout avec les acteurs, c'est très drôle.


Quand je vous ai laissé lundi (my god, je me suis séparé longtemps de ma page, je suis désolé) on allait au Mori Museum, au 54e étage de la tour du même nom. Le temps clair nous a permis de voir la ville de nuit, couronnée d'une lune presque pleine encore toute rousse. Comment vous dire l'émotion devant cette chose gigantesque et poétique. Dans la partie où on peut faire le tour, on s'est amusé à retracer les quartiers visités, à retrouver le nord pour Marc, à s'élancer tranquillement vers le vide et goûter le dur plaisir du vertige. Puis, on a admiré les oeuvres du chinois Ai Weiwei, qui a, entre autres, conceptualisé le Nid d'oiseau qui servait de stade pour les Jeux Olympiques de Pékin. Ils puisent à même le quotidien pour parler des hommes, alignant des tables cubiques, compressant des tonnes de feuilles de thé pour en faire une maison de banlieue, ou soudant ensemble des vélos pour en faire un mobile. Il dénonce (ou célèbre) les gestes simples pour parler de notre urgence d'exister, le travail et sa sur-productivité ou la présence de l'art autour de nous et que l'on oublie trop facilement. Bien intéressant. On finit dans un resto autour d'une bonne bouffe, pour faire changement.

Puis, le lendemain, on a silloné les rues de Shinjuku que Carol voulait revoir. On se retrouve dans Kabukicho, le red light. C'est la première fois qu'on se fait solliciter autant. Restos, Girlbar, prostituées, la totale. On bifurque dans une ruelle plutôt glauque (où à l'entrée on peut lire Since 1951) dans laquelle il y a des petites maisons comme dans le Village de Nathalie mais dedans y a des filles plus légèrement vêtues. Sur une des maisons, il est écrit Vanilla Bitch. Marc demande si on pense vraiment qu'elle se prostitue, on répond qu'elle ne vend sûrement pas de la crème glacée. En tout cas, si c'est le cas, j'espère qu'elle ne date pas de 1951...
Quand j'ai raconté ça à Ayako, elle était toute gênée. Elle a une pudeur sympathique qui me touche. Quand je lui ai dit que j'irais dans les bains d'eau thermal, elle m'a dit du bout des lèvres: vous savez que vous devez être nu? Oui oui, ça va! En tout cas, elle doit pas prendre un verre avec Vanilla B. le vendredi soir, certain!
On finit dans un resto autour d'une bonne bouffe pour faire changement!

Cela dit pour les onsen (nom japonais pour les bains), il faudra repasser, ça nous a pris une heure pour se rendre et la bâtisse avait été démoli quelques mois auparavant. Le gentil garçon du resto où j'ai demandé de l'aide (en japonais svp: Onsenwa doko deska?) a bien ri de nous autres. Anyway, on a fini dans un resto autour d'une bonne bouffe pour faire changement!

Les semaines passent. Les heures s'évadent au pays du soleil levant. Chaque jour est une aventure. J'adore vivre le quotidien, voyager de la sorte ne me serait pas venu à l'esprit... Ça permet de s'imprégner plus profondément... de voir ce qui nous aurait sans doute échapper. J'ai très hâte que Marie Josée arrive, la présence de Carol et Élise ont changé le beat, pas que je m'ennuyais avec Marc au contraire, mais le grouillement est différent. On leur parle de la ville comme des habitués, déambulant avec aisance au milieu de la foule abondante du métro, au coin des rues, connaissant même des petites places à partager, des boutiques, des restos, bien sûr.

Sur ce, je vous embrasse.
Allez au Moulin à paroles pour que résonne haut et fort notre besoin urgent et toujours bien d'actualité de s'affirmer. Et aussi pour donner tort à nos politiciens sans culture qui chie sur le manifeste du FLQ mais qui omettent de parler du mépris innommable du fameux rapport de Lord Durham. Qu'éclatent tous les mots de notre histoire pour qu'on se souvienne pour le vrai!

Votle dévoué,
Fled.

*Long time no see

Photo: Vue de Mori Tower prise par Élise Dubé.

lundi 7 septembre 2009

La suite...

Or, je me suis retrouvé à faire la file devant le Kabuki-za, une théâtre spécialement dédié au KABUKI...
http://fr.wikipedia.org/wiki/Kabuki
Le spectacle se compose de plusieurs actes d'environ 1h15, parfois plus long, parfois plus court, de courtes scènes qui sont de grands classiques de la dramaturgie japonaise. Ces scènes se développent et culminent finalement en fin de journée (la représentation se déroule entre 11h et 20 h), mais on peut assister à une partie seulement du spectacle. Donc, la file dans laquelle je me suis retrouvé est celle des spectateurs qui veulent voir un acte. On paye moins cher, on se retrouve dans le paradis, on assiste, et on s'en va.
J'ai vu 1h30 de spectacles, deux courtes scènes: une de jalousie entre deux samouraïs qui s'affrontent pour une geisha (tous les rôles sont joués par des hommes, les hommes jouant les femmes étant des onnagata, faites le lien!!). Puis une autre où un samouraï se retrouve au milieu de 40 voleurs. Le dit samouraï est recherché et les voleurs voudraient bien l'attraper pour toucher la récompense. Une lutte plutôt farfelue s'engage et le tout se termine alors que le samouraï est démasqué par un grand maître d'Edo (anciennement Tokyo).
QUELLE EXPÉRIENCE MAGNIFIQUE!
La musique live, les costumes, les codes sur scène mais aussi avec le public. Quand certains acteurs font une pose connue, des spectateurs crient je ne savais pas quoi dans la salle. Il semble, après recherche, que ce soit le nom de l'école à laquelle appartient le mouvement. Les gens applaudissent le nouveau personnage (ou sans doute l'acteur) qui entre. À la porte, on distribue pour les tourisses un audio-guide qui raconte ce qui se passe, et qui, en plus, donne quelques cues sur des mouvements, des figures, des blagues: ici, le comédien vient de nommer un acteur qui jouait ce rôle il y a de cela cent ans... etc. J'ai trippé comme un malade, je vais retouner voir un autre acte cette semaine pour sentir à nouveau ce lieu mythique (qui sera rénové l'année prochaine alors si vous passez dans le coin, faites vite). Le théâtre est rempli à craquer, il faut voir sur scène les techniciens (sans doute des acteurs) tout de noir vêtu, venir prendre ou ajouter un accessoire. Ils sont en noir pour signifier qu'ils ne sont pas là. Sur scène, c'est plein feu, mais ils ne sont pas là. Magnifique!
Malheureusement, quelqu'un a filmé un jour même si c'est interdit, mais je pense que ça vaut la peine de voir:
http://www.youtube.com/watch?v=UXo003ekkpQ
Les décors sont simple, à plat, comme vous le verrez... En terminant: le rideau ligné de trois couleurs, rouge, noir, vert, s'ouvre, on voit un grand tissu vert cacher le décor et on sent les personnes derrière, puis, musique, ils tirent sur le rideau qui leur tombe dessus et ils sortent, recouverts, à vue, puis on voit deux grands cerisiers en fleurs, en carton, les gens applaudissent... ooooh! Splendide! Je vous jure, toutes ces petites choses m'ont touché au plus haut point.

La totale: mesdames et messieurs, voici la scène, voici les personnages, voici l'histoire. Que vouloir de plus?

Puis, toujours dans Ginza, le quartier chic, je me balade avant de revenir rejoindre nos amis fraîchement arrivés de Québec. On trinque et aujourd'hui, retour au travail. Je suis convaincu que les deux jours ont été utiles, tout le monde est détendu, reposé, de bonne humeur. Le monsieur est content.

Je vous laisse avec cette photo de International Forum of Tokyo. Peu de choses à ajouter sinon que la modernité dans toute sa splendeur existe et peut nous toucher. Il suffit de croire au besoin d'avoir de l'envergure, à l'importance de construire des pyramides, des tours, des Louvres, des Châteux Frontenac et des Empire State Building. Ils sont un lien avec les Dieux, une façon immense de parfois croire que les humains sont grands...
C'est certainement pas avec des ignorants comme ceux qui nous dirigent que les Dieux se sentent bousculés et en danger d'invasion par les hommes tout petits que nous sommes.
Je vous aime, je vais en haut d'une autre tour voir une expo d'art contemporain avec mes amiiiis.

Votle tout dévoué,
Fled...xx

Photo du haut: Kabuki-za, en plein coeur de Ginza

dimanche 6 septembre 2009

Malheur à moi!

En bon touriste que je suis, j'ai passé ma fin de semaine à me promener un peu partout. Impossible de fuir les lieux non-peuplés, même les parcs étaient bondés. Il faut dire que la température aidait, soleil magnifique, ciel bleu de rêve, léger vent, mais tout de même humide.

J'avais décidé d'aller dans Asukasa, quartier historique où on trouve un immense temple Shinto: le Senso-Ji. La visite se fait au milieu de la foule nipponne qui s'y rend pour se recueillir.
Contrairement aux mosquées en Turquie, on se mêle aux pèlerins à tout moment et on a accès à tous les lieux, mais je reste pudique quand je visite ces lieux. On franchit une porte sous une immense lanterne rouge, on traverse la cour où il y a des"je sais pas comment ça s'appelle" mais ça sert à se purifier. les gens y allument de l'encens et avec les mains, ils prennent la fumée et l'envoient là où ils ont mal. Il y a aussi des meubles avec des tiroirs numérotés. On prend une boîte en métal, on la brasse et y sort un bâton sur lequel il y a un symbole qui correspond à un tiroir. On ouvre le dit tiroir et il y a une feuille sur lequel est écrit son avenir, sa bonne ou mauvaise fortune.

Je précise parce que voici ce qui est sorti:

NO.66 BAD FORTUNE (je traduis librement)
Quand l'eau et les vagues sont stagnantes, tout devient sale. Les oiseaux tombent du ciel, ce qui veut dire qu'ils sont malades. Vous aurez des problèmes de manière récurrente, alors votre esprit sera confus, vous perdrez le sens de ce que vous faites, n'aurez plus rien à faire. Quand vous aurez l'impression qu'autour de vous, il y a du silence et de la paix, alors, la marde vous tombera dessus. Vos requêtes ne seront pas entendues, vous serez impatient (n.d.l.r: bon enfin! de quoi de vrai) Vous ne trouverez pas ce que vous cherchez. Construire une nouvelle maison ou rénovez sont tous les deux inutiles. Arrêtez de voyager. Mariages de tout genre ou nouvel emploi sont mauvais.

C'est pas drôle non? Je faisais comme si je trouvais ça drôle. Marc dit à la blague qu'il préfère ne pas être avec moi en ce moment, je lui dit de le faire lui aussi: Il pige la même affaire. Je suis content de retourner travailler demain!

Bref, passage touristique réussi. Je me suis rendu seul dans le Parc d'Ueno. On a dû se séparer, Marc et moi parce qu'il devait régler un truc à l'hôtel pour l'arrivée de Carol et Élise (qui sont arrivés en passant!!) Je me suis retrouvé entouré de lieux sacrés, d'enfants japonais trop contents de courir librement, de familles, de touristes, de musées, de cerisiers... bref, un très joli petit coin de verdure, plutôt sympa. Ça a fait du bien tout de même cet espace de silence entre moi et moi. Je me suis assis, j'ai regardé les gens passer, j'ai laissé monter ce qui me passait par la tête, peu importe quoi. Je parle beaucoup pendant la semaine, on est toujours dans le milieu de quelque chose, le quotidien est étourdissant partout et donc tout a l'air de quelque chose... Et soudain, donc, ce petit moment assis, là, à rien faire... regarder, voir, relâcher.
Puis, je me suis retrouvé sur le sentier d'un temple, Toshogu, dont j'avais lu la description sans savoir que c'était celui là précisément. Un des plus vieux en fait. Qui a survécu au temps, à la guerre (Tokyo a presque tout perdu pendant la deuxième guerre).
On s'approche donc, on se purifie en mettant de l'eau sur nos mains, dans notre bouche, que l'on recrache. Et là y a une procédure: s'incliner deux fois, sonner la cloche pour avertir les Dieux que nous sommes là, jeter une pièce, prier, s'incliner, taper deux fois dans nos mains, s'incliner et quitter à reculons. Un grand frisson m'a traversé le corps. Je ne suis pas shintoïste, bouddhiste, ou autre, mais le rituel m'a ému. Il est libre me semble-t-il. Simple. On voit les dames entrer, le faire rapidement, repartir à leurs tâches, les hommes en cravate se laver rapidement les mains, passer, s'incliner, repartir produire du profit... Je sais pas. J'ai aimé ça. Ça m'a détendu.

Ensuite, je suis revenu à la maison.
Puis, je suis retourné dans Shibuya voir un mauvais film dans un centre culturel magnifique. Quand je suis sorti, la jungle. je le dis souvent, mais là je le dis parce que c'était samedi soir et j'étais le plus vieux de la gang. Shibuya, c'est le quartier in, pop, branché et ce qui est amusant, c'est de se planter à la sortie de la gare de métro et voir le monde chercher leurs amis. Parce que les rues ont pas de nom ici, les grandes avenues, oui, mais pas toutes les rues, on comprend pourquoi. Alors, les gens se donnent des repères pour se trouver: sous la statue du Mori center, telle librairie, etc. Or, devant la gare, c'était marrant de voir les jeunes parler au cell en regardant par-dessus la foule pour trouver celui ou celle ou ceux qu'ils attendaient. Et se trouver en japonais: ahhhhhiiiihihiiiiii. Vivent les cellulaires. Qu'est-ce qu'ils faisaient y a dix ans? Ils se faisaient des pancartes? Ils amenaient leur téléphone de la maison? Ils criaient? (Dieu, j'espère que non!)

Puis, aujourd'hui, je me suis payé une grosse matinée, grasse et tout. Suis allé dans le quartier des libraires, rien de spécial. L'intellectuel fut déçu.
Mais j'ai fini dans Ginza, le quartier des riches, les rues étaient piétonnières, dimanche relax, comme je les aime. Je bourlingue à gauche à droite et je finis au Kabuki-za.
Je pense que je vous garde ça pour demain...
C'est tout de même un monument historique et un trésor national que ce théâtre comique!
Je vous reviens alors... (suspenseeeee)

Sur ce, bonne nuit.

Votre dévoué,
Fledxx

Photos:
1-Tiroirs de malheur, le truc gris, c'est la boîte avec les bâtons
2- Feuille de malheur...
3- Femme se purifiant avec l'encens