samedi 19 septembre 2009

Nos planètes se séparent

C'est le coeur gros que nous nous sommes quittés ce soir.
Ça y est.
Bukkushuppu est déjà un projet passé. C'est inimaginable.
Devant le restaurant où nous sommes tous allés manger ce soir après la représentation, nous avons tous pleuré. Avions-nous trop bu? Je ne pense pas. Je crois au contraire que nous avons fait la preuve par mille que le théâtre n'a pas de frontières et que ça s'est juste passé. Ça a eu lieu. Mais le théâtre c'est aussi ça: créer sans cesse des familles que nous quittons. Une bonne dose de drogue, le trip est bon, mais il y a toujours et encore une descente.
On a marché lentement sur le trottoir en direction du métro et tranquillement la meute a diminuée jusqu'à nous retrouver entre nous, les québécois, une autre famille, déracinée celle-là aussi, dans cette ville aux milles lumières qui brillent et nous bouleversent.
Je n'ai pas grand chose à ajouter. Je n'ai pas beaucoup de mots ce soir. Les mots sont la dernière chose disait Paule au Conservatoire, et là, je veux peut-être les garder pour peut-être garder l'impression de grand bonheur et de grande tristesse qui m'habite... Je ne veux peut-être pas encore croire.

Mais bon, il reste une partie de voyage, celle de Kyoto, des montagnes, de Fuji-san, et le retour à Tokyo. Il reste la partie visite. La partie touriste.
Il faudra me déraciner lundi. Partir une fois d'ici. Et je reviendrai. Je reviendrai. Je reviendrai.
Je reviendrai voler au sommet d'une tour voir l'étendue infinie des rues.
Je reviendrai m'asseoir sur un tabouret ou sans souliers à une table basse, manger ces milles saveurs nouvelles.
Je reviendrai me perdre dans le silence de la foule.
Je reviendrai découvrir les ruelles étroites des petits quartiers au tournant des grandes avenues.
Je reviendrai parader moi aussi dans de beaux vêtements.
Je reviendrai au croisement des rues, avoir l'impression de foncer dans un mur d'inconnus.
Je reviendrai sonner la cloche de tous les temples sous les yeux doux de Bouddha.
Je reviendrai attendre le métro ou descendre ou monter les escaliers, poliment.
Je reviendrai lever les yeux vers ces murs aux lignes pures.
Je reviendrai oublier le monde, mon monde, pour sans doute espérer y revenir.
Je reviendrai loin de vous. Mais sans doute pas tant que ça.
Je reviendrai encore jouer au poète sur la toile.
Salut Cayo, Yasuhiro, Mieko, Ken, Kyoko, Kame, Ayoko, Machiko.
PS. Je vous présente Ayoko. Je ne l'avais pas fait officiellement. Elle a été ma pensée pendant ce mois. Sans elle, les mots ne se seraient pas passés. Pendant un mois, on s'est parlé à l'oreille, tout bas, on a essayé de se comprendre, on s'est fait répéter, on a fait répéter les autres, on a fait La Librairie. Ce n'est que tout dernièrement que je me suis rendu compte combien près on a pu être. C'est une relation très étrange que celle d'être avec une traductrice. Notre lien se développe par des mots qui en dehors du contexte, ne veulent rien dire. Et pourtant, nous nous sommes tant rapprochés, nous avons tant échangé, partagé. Elle m'a guéri de mon allergie hier soir avec ses mains d'ange qui nettoie des mauvaises énergies, elle m'a offert du thé ce soir, elle m'a laissé sa carte (j'ai d'ailleurs su son nom de famille, je ne l'avais jamais su) en me disant: appelez-moi quand il y a des énergies mauvaises , je vais penser à vous. On s'est vouvoyé tout ce temps et finalement, on s'est quitté dans la station de métro en se saluant de loin.

Bonne nuit.

Votle dévoué,

Fled

xx

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