jeudi 10 septembre 2009

Ayako chez Vanilla B.

Salluuuut.
Ohisashiburi!*
Je vous ai délaissé un peu mais c'est de la faute à la technologie. Mon ordi a planté au moment où je terminais hier et j'ai pas eu la patience de recommencer. Ça y est, je suis là, voici la suite de mes palpitantes aventures nipponnes...

On est retourné en salle de répétition pour faire du travail de détail d'interprétation. Pas de problèmes pour travailler de la dentelle avec mes acteurs japonais, ils sont vaillants et nous font parfois sentir un peu paresseux... Je termine souvent entre 17 et 18h mais ils restent jusqu'à 20h pour réviser. Ça a du bon, pas besoin de redemander des trucs, la job se fait. Je dis pas que mes amis canadiens sont douillets. Au contraire. C'est une façon d'envisager le travail qui est différent. Ils préfèrent le faire en salle avec les autres que chez eux. C'est typiquement culturel. Le travail prend une place importante dans leur vie, pose même parfois problème au niveau familial. La bière après la job avec les collègues est de coutume, ça fait pas des enfants forts. On a fêté l'anniversaire de Yasuhiro il y a deux jours, le lendemain, je lui ai demandé si il avait fêté un peu à son retour à la maison et il m'a dit que sa femme et lui s'étaient disputés parce qu'il était entré tard.
Parlant de ça, on a pris une coupe de champagne à sa santé et on a chanté. Il n'y a pas de chanson d'anniversaire typiquement d'ici, ils chantent Happy birthday. J'ai cru bon pousser la chansonnette et interpréter Yasuhiro, c'est à ton tour de te laisser parler d'amour... Ils ont trouvé ça charmant.
Le coeur est donc à la fête. L'ambiance est totalement détendue, on s'amuse beaucoup. Tout le monde est de plus en plus libre, je n'ai plus besoin parfois d'utiliser mon dictionnaire cérébral pour me faire comprendre. Je me promène dans le décor et fait un déplacement en disant: nananananana et ils savent de quoi je parle. Après, je gesticule un peu et ils font oui de la tête. On refait la scène et tout est intégré. C'est beau d'abattre de la sorte toutes les barrières linguistiques. Ils possèdent la pièce de plus en plus. Je suis content. On a enchaîné aujourd'hui et on fera de même demain vendredi et samedi. Le rythme est bon, on rit, on est touché, la librairie a retrouvé sa douce folie si séduisante. Étrangement, même en resserrant, la représentation dure un peu plus de 1h15 contrairement en français en en anglais où nous n'allons jamais plus loin qu'une heure. Ah le japonais et ces tournures grammaticales. Une chance qu'on fait pas le roi boiteux, on serait encore en train de mettre en place la première partie.

Parenthèse: en chantant la chanson de fête, il m'est revenu une savoureuse anecdote que j'ai oublié de vous raconter. Voilà. La première semaine, alors que nous étions à table, je faisais la genèse de nos choix faits il y a de cela six ans en créant le spectacle. Je leur expliquais les pourquoi du comment. Puis, est venu l'explication autour du choix de Plaisir d'amour que chante Samuel en faisant du chocolat. J'expliquais que je l'avais choisi parce que j'avais entendu Gilles Vigneault à la radio dire qu'aucune chanson d'amour plus belle n'existais sur la terre. Ayoko, qui ne me connaissait pas encore et essayait de me suivre entre mon anglais maladroit, mon français de québécois et mon japonais limité à deux syllabes, Ayako, donc, pour ne pas se perdre, prenait des notes. Parfois, je dois développer une idée sur plusieurs phrases alors elle écrit pour ne rien oublier. Je dis donc que j'ai choisi la chanson à cause de Gil-les-Vi-gneault. Elle me demande de répéter: Gil-les-Vi-gneault. Gil-les-Vi-gneault. Elle fait oui de la tête et l'écrit su son papier pendant que je continue: Gil-les-Vi-gneault. Puis, quand vient le temps de traduire, elle baragouine quelque chose qui ne ressemble pas à Gil-les-Vi-gneault. Je jette un oeil sur sa feuille... elle avait écrit: J'ai le vignon. Fin de la parenthèse.

Parlant d'Ayoko, puisque je n'en ai pas beaucoup parlé encore. C'est une femme dans la cinquantaine qui travaille souvent pour la délégation québécoise. Elle a rencontré ben du monde de chez nous. Elle est toute petite, très fière, avec des grands yeux et un don. Elle guérit par l'imposition des mains. J'ai développé une grande complicité avec elle et de plus en plus, on a beaucoup de plaisir. Parfois, elle passe des commentaires très discrètement sur un tissu ou un chapeau. L'autre jour, pendant un essayage, elle me dit: ça fait cheap non? J'ai trouvé ça trop drôle. En plus elle avait raison...
Bref, mardi, elle devait nous mener à la Délégation pour des affaires protocolaires (où le délégué a cru bon ne pas se pointer, mais on s'est quand même fait payer une bouffe... je ne développe pas plus)... et dans le métro, je dis le mot crédible, je ne sais plus pourquoi. Elle n'arrive pas à trouver l'équivalent japonais, à bien comprendre. On s'est mis à mettre le mot en contexte, Carol utilisant la phrase suivante: Frédéric est crédible comme metteur en scène mais pas crédible comme jouer de hockey. Elle a compris allez savoir pourquoi! Plus tard, parce qu'on jasait, elle a oublié de nous indiquer la bonne sortie de métro, on a dû revenir sur nos pas, puis, dehors, elle trouvait plus la délégation. Elle marchait à mes côtés et soudain, elle me dit tout bas: Ayako n'est pas crédible comme guide touristique. J'ai éclaté! Depuis, on passe notre temps à essayer de ploguer le mot un peu partout avec les acteurs, c'est très drôle.


Quand je vous ai laissé lundi (my god, je me suis séparé longtemps de ma page, je suis désolé) on allait au Mori Museum, au 54e étage de la tour du même nom. Le temps clair nous a permis de voir la ville de nuit, couronnée d'une lune presque pleine encore toute rousse. Comment vous dire l'émotion devant cette chose gigantesque et poétique. Dans la partie où on peut faire le tour, on s'est amusé à retracer les quartiers visités, à retrouver le nord pour Marc, à s'élancer tranquillement vers le vide et goûter le dur plaisir du vertige. Puis, on a admiré les oeuvres du chinois Ai Weiwei, qui a, entre autres, conceptualisé le Nid d'oiseau qui servait de stade pour les Jeux Olympiques de Pékin. Ils puisent à même le quotidien pour parler des hommes, alignant des tables cubiques, compressant des tonnes de feuilles de thé pour en faire une maison de banlieue, ou soudant ensemble des vélos pour en faire un mobile. Il dénonce (ou célèbre) les gestes simples pour parler de notre urgence d'exister, le travail et sa sur-productivité ou la présence de l'art autour de nous et que l'on oublie trop facilement. Bien intéressant. On finit dans un resto autour d'une bonne bouffe, pour faire changement.

Puis, le lendemain, on a silloné les rues de Shinjuku que Carol voulait revoir. On se retrouve dans Kabukicho, le red light. C'est la première fois qu'on se fait solliciter autant. Restos, Girlbar, prostituées, la totale. On bifurque dans une ruelle plutôt glauque (où à l'entrée on peut lire Since 1951) dans laquelle il y a des petites maisons comme dans le Village de Nathalie mais dedans y a des filles plus légèrement vêtues. Sur une des maisons, il est écrit Vanilla Bitch. Marc demande si on pense vraiment qu'elle se prostitue, on répond qu'elle ne vend sûrement pas de la crème glacée. En tout cas, si c'est le cas, j'espère qu'elle ne date pas de 1951...
Quand j'ai raconté ça à Ayako, elle était toute gênée. Elle a une pudeur sympathique qui me touche. Quand je lui ai dit que j'irais dans les bains d'eau thermal, elle m'a dit du bout des lèvres: vous savez que vous devez être nu? Oui oui, ça va! En tout cas, elle doit pas prendre un verre avec Vanilla B. le vendredi soir, certain!
On finit dans un resto autour d'une bonne bouffe pour faire changement!

Cela dit pour les onsen (nom japonais pour les bains), il faudra repasser, ça nous a pris une heure pour se rendre et la bâtisse avait été démoli quelques mois auparavant. Le gentil garçon du resto où j'ai demandé de l'aide (en japonais svp: Onsenwa doko deska?) a bien ri de nous autres. Anyway, on a fini dans un resto autour d'une bonne bouffe pour faire changement!

Les semaines passent. Les heures s'évadent au pays du soleil levant. Chaque jour est une aventure. J'adore vivre le quotidien, voyager de la sorte ne me serait pas venu à l'esprit... Ça permet de s'imprégner plus profondément... de voir ce qui nous aurait sans doute échapper. J'ai très hâte que Marie Josée arrive, la présence de Carol et Élise ont changé le beat, pas que je m'ennuyais avec Marc au contraire, mais le grouillement est différent. On leur parle de la ville comme des habitués, déambulant avec aisance au milieu de la foule abondante du métro, au coin des rues, connaissant même des petites places à partager, des boutiques, des restos, bien sûr.

Sur ce, je vous embrasse.
Allez au Moulin à paroles pour que résonne haut et fort notre besoin urgent et toujours bien d'actualité de s'affirmer. Et aussi pour donner tort à nos politiciens sans culture qui chie sur le manifeste du FLQ mais qui omettent de parler du mépris innommable du fameux rapport de Lord Durham. Qu'éclatent tous les mots de notre histoire pour qu'on se souvienne pour le vrai!

Votle dévoué,
Fled.

*Long time no see

Photo: Vue de Mori Tower prise par Élise Dubé.

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