dimanche 13 septembre 2009

Dire non.

Je me sens loin aujourd'hui et pourtant je suis très près. J'ai laissé mon ordinateur ouvert toute la journée même si je n'étais pas là pour que les mots du Moulin à paroles résonnent et s'inscrivent dans les murs de ma chambre, ici, à Tokyo.
J'ai laissé mon ordinateur transmettre jusqu'au bout du monde une parole utile, une parole obligatoire, une parole dangereuse pour certain parce qu'ils ont peur, une parole essentielle, une parole de chez-nous, de ce que nous sommes et qui nous séparent, nous divisent. J'ai laissé les mots voyager parce que les frontières ne sont plus une excuse pour ne pas vouloir exister.
J'ai attrapé quelques-uns de ces mots et les ai laissé me traverser le corps et l'âme, et c'est un peu pourquoi aujourd'hui je me sens loin. J'aurais voulu me déporter 24 heures.
J'entends pourtant dans ces mots tant d'appels à la volonté d'être, au besoin d'être ensemble, à ce besoin de pouvoir se nommer, se crier, se chanter, se dire, s'entendre. J'entends au fil des 400 ans que traversent ces mots matraques, ce sentiment puissant de vivre ce que nous sommes, comme nous sommes, fiers.
J'entends dans ces mots la dure difficulté de pouvoir dire non. Un non dont le résultat sera oui. (Je dis sera parce qu'il me semble qu'on ne peut pas dire oui tout de suite: c'est rester dans l'utopie).
Il faut dire non.
Non à l'impossibilité de prendre sa place réellement. Non à toutes ces manières odieuses dont nous sommes chaque jour exposés pour nous faire taire: coupures budgétaires, débats vides autour d'une histoire qui est pourtant la nôtre, diffusion large de la médiocrité dans les médias, acceptation d'une présence politique sans culture à qui il faut expliquer pourquoi parler français ici est important, pourquoi il faut que nos enfants lisent, chantent, voient notre langue se tenir debout. Non à une transmission défaillante de notre Histoire. Il nous faut un non qui se lève et qui marche. Un non qui n'attend pas, qui n'attend plus. Un non que l'on étouffe dans les grandes surfaces. Un non qui dit ça suffit! Un non intelligent, qui donne de l'espace à chacun, un non qui ne nivelle pas vers le bas, un non qui dépasse une lutte de frontières, un non qui peut se dire no, niet, iie, nada!
Un non ouvert.
Un non disponible.
Un non à nous.
Un non possible.
Pourquoi est-ce si difficile?
Pourquoi accepter l'étouffement?
Pourquoi voter pour des dirigeants qui ne se battent pas? Qui ne se soulèvent pas? Qui ne veulent pas se soulever?
Pourquoi avons nous si peur de dire non?
Pourquoi ne pas vraiment accepter l'autre et donc s'accepter?
Pourquoi accepter que le dernier refus global date de 50 ans?

Je me sens loin. Je suis heureux, je suis triste.
J'aurais voulu que tous mes compatriotes québécois vivent ce 24 heures comme le début de quelque chose. Ils ont préféré se battre dans le vide dans les journaux pendant deux semaines et bêtement s'absenter. Ils ont torts.
Je me sens loin, mais près de vous, tous.
Je me sens québécois.
Je me sens français.
Je me sens au début de quelque chose.
Je me sens capable.
Je nous sens capable.
Il faut recommencer et que la révolution ne soit plus tranquille.
Que la révolution passe par nos mots tous les jours.
Il faut les écrire sur les murs.
Les crier sur nos scènes.
Et ne plus avoir peur de ce qu'eux qui ont préféré s'abstenir diront.
Car ils ont torts.
Les mots de ce moulin le prouvent parce qu'ils se font encore entendre...


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