mercredi 24 septembre 2014

Finir dans les musées.

Hier était jour de première à Saitama, environ à 30 minutes en train du centre-ville, en banlieue, même si j'ai jamais vraiment eu l'impression de quitter la ville.

Avant hier avait été jour de congé.  Bien mérité vu que depuis mon arrivée, je n'avais pas eu 12 heures en ligne pour rien faire sinon dormir et les premières nuits ont été difficiles.  Ton corps comprend pus rien et les fins d'après midi sont mortelles.

Bref, mardi, journée de congé et balade en ville avec Kyoko (la traductrice du spectacle) (surtout grande amie).  On s'est mis à jour sur les deux dernières années et après on a flâné dans Shinjuku, les rues étaient fermées aux automobilistes pour une journée férié, mais Kyoko savait pas laquelle.
La semaine passée était la semaine des ainés.  Et pas juste comme la semaine des ainés ou la semaine de la lecture ou autre semaine...  Non.  La vraie semaine des ainés.  Par exemple, ils payent pas pour aller dans les musées.
Bref, on a pensé que c'était la dernière journée de la semaine des ainés.

Hier donc, jour de première.
J'avais une nouvelle traductrice, une québécoise qui vit ici depuis 15 ans.  Christine.  Née le même jour que moi, mais 4 ans plus tôt.  Incroyable. Elle vient d'Alma.  Tsé!!!

Une fille très sympa qui connaissait le projet et l'équipe.  Elle est donc venu me chercher à l'hôtel et on a filé vers la banlieue pour se rendre dans ce magnifique théâtre où performent de grands artistes japonais et internationaux.   Le hall est splendide, la rotonde au centre aussi.  Les murs vibrent et les photos de productions antérieures sont magnifiques.  On y joue un Shakespeare chaque année.

Le théâtre est dirigé par un monsieur de 76 ans...  ce qui démontre bien que la transmission n'est pas non plus réglé dans le monde nippon et que finalement, on dirait que c'est partout pareil (elle était trop facile celle-là mais je pouvais pas pas la faire) (et puis Christine me disait qu'en effet, la situation est la même).  Ooooh c'est pas gentil de dire ça quand c'est la semaine des ainés... je sais.

On est arrivé, les acteurs étaient déjà en train de travailler avec Kame-san, ils regardaient des éclairages, fort plus intéressants que l'avant veille à la générale, l'ambiance était détendue.
Ça riait.  On a donc repassé le show et ajuster quelques détails de position.  La salle où on joue est de toutes les beautés.  À l'élisabéthaine.  Un truc bien foutu.  Quand on se tient sur scène, le rapport avec le public est magnifique.
J'ai donné un petit cadeau à mes beaux acteurs.

Parce que hier matin, j'ai eu le temps d'aller me revirer dans Chiyoda.  Suis allé voir Maach Ecute, qui est une ancienne gare de train du début du siècle transformée en petits commerces de meubles, en café et resto.  C'est comme le High Line de New York, mais à l'envers, c'est-à-dire qu'on est sous le rail.  C'est magnifique.  Perle que j'aurais jamais trouvé, un peu reculé, pas touristique du tout.  Je suis donc allé prendre le café là hier matin et acheté des petits cadeaux: des pins à l'effigie des personnages de la pièce.  Minuscules, super belles.
En échange, j'ai reçu un tissu pour emballer des cadeaux ou faire un sac portatif.  Un truc artisanal. Je suis choyé.

Le public est arrivé.
Salle bien remplie.

Le show a eu lieu, avec quelques faiblesses dûes à la nervosité.  Quelques longueurs, mais tout ça s'ajuste.  Y avait un Q&A après, les gens donnent des commentaires très intéressants.
C'est fou vraiment.  Je reviens souvent avec ça, mais je pense que j'en reviens pas pour vrai à quel point c'est fou.  On a fait ça en 2003 dans un local à Québec.  On a eu ces idées là et 11 ans plus tard, y a des japonais qui applaudissent, qui aiment ça.  Qui s'y retrouvent.  C'est fou la sensation je vous dis.  Y a de quoi de grand qui nous lie.  Je suis pastoral peut-être, mais ce sentiment là est fort.  Troublant.

On se démène sans cesse à faire ce métier.  On cherche du sens.  On fait des bons coups, des moyens, des mauvais.  On essaie.  Y a du monde, y en a pas.  On est perdu dans une marée de préoccupations, on gère, on stress, on cherche, on cherche.  On est bien seul dans le processus, même si on est une gang, les processus sont des grands moments de solitude.  On repasse dans des chemins qu'on connaît, on les redécouvre, on les valide, les revalide, on vieillit, on s'étonne, se surprend, des fois pas.  On angoisse.  Mon Dieu qu'on angoisse. On sait plus trop pourquoi.  On touche soudain la grâce.  On sait plus trop pourquoi non plus. On se compare.  On se console. On s'élève, on se perd.  On se fait dire à outrance que ça sert à rien en tabarnac.  On le croit.  On se fait juger, critiquer, on est soumis à trop de regard, mais on en veut encore.  On espère plus.  On angoisse.  On veut ça limpide, on angoisse.  On rit.  On est certain de notre affaire, puis ça glisse.  On est pas sûr et ça arrive.

On arrive ici à l'autre bout du monde.  
Ça a l'air tellement simple.

Mais va falloir recommencer.

Le théâtre, c'est créer des familles qui disparaissent, qui s'évaporent.
Ça fait toujours un peu mal.
Surtout parce que quand ça se passe, c'est fou ce que ça fait.
Ça fait mal.
Et vraiment du bien.


Pis la dernière affaire qu'on apprend avec tout ça, c'est qu'on peut aller dans les musées gratuitement.
(Mouahhahhaaaaa)





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