mercredi 8 octobre 2014

Regards et jeux dans l'espace...

Fuji San avait rien à me dire pour la troisième fois. 
C'était cute la première fois, le monsieur avait dit au guichet du téléphérique: non non vous ne le verrez pas, il est gêné aujourd'hui... 
Là la fille a dit: non non y a des nuages, peut-être après-midi en faisant une face de ouin ben non zezon, y en a rien à cirer de toi le mont Fuji. 
Faque on a fait le tour du lac en bicycle en sachant que le mont fuji était derrière les nuages au bout de la rue pis que sur les cartes postales c'est beau en étole, on a été au Onsen dans la montagne qui offre une vue imprenable sur le mont fuji qu'on n'a pas vu non plus parce que y avait un nuage. Pis on est revenu en espérant voir le mont fuji du train mais ça non plus c'est pas arrivé.  
Non.
Beaucoup de promenade pour pas grand chose sinon un beau lac bien entouré de belles montagnes, mais dans un village bien ordinaire.  Même un peu laid.  Rétro.  On se croirait des fois dans au Japon des années 60 , vintage au maximum, sauf que c'est pas les années 60, avec sa démesure et son opulence et son insouciance surtout. 
J'étais pas là en 1960 mais c'est ça que je pense bon des années 60. 
En tout cas, dans les années 60 on composait des chansons qui disaient: les enfants de l'avenir, ils seront heureux, pis aujourd'hui on écrit, les enfants de l'avenir ils seront dans le rouge
On parle juste de ça de toutes façons. 
Ici aussi l'économie va pas bien. 
Hey une chance qu'on a l'économie pour pas aller bien. 
Parce que je pense qu'on n'aurait pas de raisons de penser que ça va pas bien. 

Je suis de très bonne humeur cela dit. 
J'ai le goût de prendre ce ton là aujourd'hui. 
Ça m'amuse. 

Je pense que je pourrais être nommé mini citoyen de Tokyo sinon. 
Je commence à catcher pas mal comment ça marche tout ça. 
Plus qu'avant.  C'est pas croyable non?  Y en a fallu du temps, mais là je comprends bien je pense. 
Je me sens nettement mieux dans les trains et métros et je sais pas mal tout le temps où je suis pis par où ça se pourrait. 
Je dis bien mini citoyen avec tout ça parce que même les gens d'ici comprennent pas tout et cherchent encore. 
Une chance qu'ils ont des iPhones. 
C'est à se demander comment y faisaient avant pour se trouver. 
Y ont une application pour le métro et les trains qui fait peur. 
Ça leur dit le chemin le moins long ou le moins cher ou le plus efficace compte tenu des circonstances sur le réseau.  Imaginez le métro de Montréal a encore de la misère à gérer 4 lignes. 
Mais qu'est-ce qui se passe au pays du Canada ma foi.  Fatima avait raison. 
Kyoko me disait que les gens se trimbalaient avec des cartes tout le temps. 
C'est bucolique de même de se dire que tu sors pas sans ta carte, chaque jour est un voyage. 
Mais non, je pense pas que ça devait être drôle. 
Mais ton rapport à l'espace et au temps devait être terriblement modifié.  
Encore aujourd'hui avec les machines, alors y a dix ans...  

C'est ce qui me fascine le plus ici. 
Le temps et l'espace. 
Une station à marcher est toujours plus long qu'on pense. 
Et se promener dans la rue ou dans une gare est le meilleur exercice que je pourrais donner à faire à mes étudiants à l'école de théâtre.  Y a une hyper conscience à saisir dans ton quotidien qu'on n'a pas à apprendre chez nous, dans la rue.  Ça se bouscule certes, mais ta situation physique est pas aussi prenante à chaque fois que tu mets les pieds dehors.  Ça demande un effort constant et une relation aux autres autour considérable. 
Tu peux pas juste t'arrêter de marcher.  Tu dois savoir que y a quelqu'un derrière à 99,9% et que la réaction sera automatique. 
Tu dois marcher en trouvant ton chemin et en sachant à peu près ce qui se passe autour et derrière toi. 
Pas le choix.  Tout le temps dès que tu es dans les lieux publiques.  

Mais. 
Et c'est ce qui est beau et étrange et unique dans cette ville. 
C'est qu'au détour d'une rue qu'y a l'air d'une ruelle, silence. 
Plus personne. 
On se croirait à Jonquière. 

On est présentement à 5 minutes de Shinjuku et y a pas un bruit dans la maison. 
Le même bruit de la nuit que quand je suis assis sur ma galerie à Limoilou. 
Rien. 
Mais dans 5 minutes, je peux être dans l'étourderie complète. 
La folie. 
L'empilement. 
De Limoilou à Tokyo en cinq minutes. 

On est allé voir du Kabuki aujourd'hui. 
Une autre affaire. 
La salle est bondée. 
Tous les jours. 
Pour voir une pièce de 1746 (entre autres).
Pas d'effets
Rien. 
Juste ça. 
Dans la présentation sonore qui accompagne le touriste que nous sommes, on explique que le Kabuki n'est pas basé sur l'idée ou le texte, mais sur la beauté.  Que ce n'est pas une représentation, mais une présentation.   Le public et les acteurs, ensemble, savent que ce n'est rien d'autre que présentation, qu'on essaie pas de présenter la réalité...  et tous sont là pour assister à cette histoire avec son code visuel assumé.  Pas le texte en premier, pas l'idée, mais le geste, la communion, la réunion.  
La beauté surtout. 
La beauté d'abord. 
La beauté. 

La beauté. 






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