lundi 6 octobre 2014

Distances et différences.

Je vous ai pas abandonné. 
Les choses vont si vite. 
L'espace se rétrécit. 
Depuis le retour sur Tokyo, tout a rétrécit soudainement. 
Je ne sais pas si c'est parce que c'est la première fois que je suis loin de Ikebukuro, ce qui n'est pas vrai parce que lors du deuxième voyage, j'avais habité Ueno avec la gang de Karamel.  Mais Ueno c'est vraiment à l'autre bout de la ville. 
Je recommence pour être plus clair. 

Dans Tokyo, y a des villes.  La ville de Shinjuku par exemple.  
La ville de Shibuya. 
On peut aussi dire que c'est des quartiers, mais ils le présentent comme une ville. 
Et la ville est séparée en arrondissements. 
Shinjuku ichichome (ichi veut dire 1)
Shinjuku sanchome (san veut dire 3) (prononcer sannetchomè).
Le 1 est le 1 parce que c'est l'arrondissement le plus proche du Palais impérial qui lui est au centre de la ville de Tokyo.  
D'ailleurs, aucun métro ne passe sous le palais impérial. 
On le voit sur la carte des lignes de métro.  Y a un trou blanc dans le centre. 

Et donc, j'avais toujours été dans Ikebukuro sauf mini exception de Ueno. 
Mais là je suis dans Shinjuku, limite Harajuku que je ne pense pas que ce soit une ville.  Je ne suis pas certain.  Ce que je sais, c'est que nous sommes entre le parc Shinjuku et Yoyogi et que c'est vraiment un coin super pour vivre parce que c'est très central. 

On est dans un apart dans une rue que j'aurais jamais vu autrement. 
Dans Yoyogi que j'avais pas trop arpenté non plus, entre Shinjuku et Harajuku qui sont nettement suffisants pour se perdre deux ou douze jours. 

Bref.
J'ai voulu initier Simon à Tokyo en l'amenant dans Roppongi, là où y a Mori Tower, là où on a une vue magnifique sur la ville et un musée super en extra.  Dans un quartier vraiment grouillant.  À cause et malgré beaucoup d'occidentaux qui y vivent et y travaillent à cause de Mori Tower qui offre des bureaux à des grosses compagnies et des ambassades autour. 
En tout cas, en me situant sur la carte, je me suis dit qu'on pourrait se rendre à pied, que ça avait l'air pas trop loin.  Ça s'est avéré.  Bon, c'est pas 12 minutes, mais pas 6 heures non plus. 
Et c'est là où je voulais en venir: est-ce qu'à force d'arpenter cette ville que je connais de mieux en mieux, l'espace se rétrécit.  Où c'est juste dans ma tête?
Cette mégapole qui compte, avec sa banlieue, plus de monde que le Canada en entier, devient-elle plus accessible à mes yeux? Moins étendue?  Certainement pas!  Je ne me lancerais pas vers une épopée en me disant que je vais déjeuner à l'autre bout de la ville en marchant, question de me faire une santé.  Jamais.  C'est trop labyrinthique, chaotique comme le dit Kyoko.  Mais quand même, y a de quoi qui a changé.  Une habitude qui s'est pris.  Une compréhension qui s'est installée.  Un autre dialogue.  Et le temps, alors, et la relation à l'espace et le déploiement de sa personne sur le territoire semble se modifier.  Comme une manière différente d'habiter ce qui nous habite en dedans, ce que l'on saisit davantage, décode de mieux en mieux.  
C'est beau ça. 
Parce qu'on n'est pas si différent finalement, et tellement proche. Tout ce monde là et nous. Et moi.   
L'espace virtuel, je n'en parle pas. 
C'est effarant. 
L'espace culturel quant à lui, ça effraie. 
Ça choque parfois. 
Pourquoi venir ici, si loin, si de moins en moins d'espace culturel, en dehors de la langue et des habitudes, se trouve entre nous? 
Mais espace culturel n'est pas bon comme terme.  Celui là est encore plutôt grand en effet et c'est même un peu triste de le confondre avec ce qui, en fait, ne serait que l'espace commercial. 
Nous sommes, gens de partout, mélangés dans cet espace qui n'en est plus un. 
Nous consommons les mêmes choses que les japonais. 
Magasinons dans les mêmes commerces. 
Les mêmes lignes. 
Rêvons des mêmes meubles. 
Écoutons la même musique.  Si elle est pop et faites vite, en japonais ou en français, elle est pareille et dans le même code creux. 
Buvons le même café.  Starbuck, je dis pas. 
C'est fou. 
Juste voir les amis nippons sur leur iPhone dans le métro, tous penchés sur Candy crush ou un téléroman probablement plate... et on se dit que Steve Jobs doit bien mourir de rire dans son monde.
Y en a une gang qui a compris comment aplatir tout le reste.  Et ils doivent rire de nous en esti eux autres avec.

Il faut chercher pour trouver ce qui distingue.  Chercher demande de l'effort. 
Sinon, on peut facilement décider de se laisser surprendre par rien et retrouver ses repères.  Aller voir le temple au bout de la rue, le trouver beau, le prendre en photo vite fait pour la modifier rapidement et retourner manger de quoi qui nous mélange pas trop le système. 
C'est pas dur de faire ça. 
C'est même tellement plus difficile, en fait, de trouver l'exception. 
La vraie. 
Et être devant elle tout petit.  
Être devant elle, fragile. 
Presque rien en fait.  
Ce qui fait qu'alors on doit voyager.  Pour vrai. 
En soi. 

Je trouve ça encore dans les musées. 
Et alors je me dis que c'est ça vivre. 
Tiens. 
Et donc que c'est ça comprendre la vie et aussi un peu la mort. 

Je finis pas ça de même. 
Mais je philosophe beaucoup depuis que je suis ici. 
Kyoko habite cette ville depuis toujours.  Elle n'a plus de repères ici.  Elle veut partir.  Elle ne sait pas comment trouver ce qui la distingue. 
Et c'est vrai que ça c'est une tragédie. 
Ne pas savoir ce qui nous distingue. 
Et cette machine qui nous réunit en apparence, elle fait ça finalement: elle nous force à oublier qu'il faut se distinguer. 
Quelle horreur. 
Vivre sans être obligé de trouver l'exception et la distinction. 
Quel piège. 

Je vais aller me coucher je pense. 
Après quelques jours revenus ici. Un typhon.  Et une série de repas gastronomiques à pleurer de bonheur, je voudrais pas vous ennuyer plus que ça. 
Et puis je ne dis rien de nouveau. 
C'est que dans le flot du quotidien, on ressent ça souvent, je ressens ça souvent. Et mon Dieu, je me rends compte que c'est ce qui provoque en moi le plus de vertiges et disons-le d'angoisses. 
Mais je ne le nomme pas comme ça.  Au quotidien. 
Comment faire? 
Chaque jour? 
Comment?
Pour le nommer et le détourner? 
Oh boy. 
Peut-être que demain, Fujisan saura quoi me répondre. 




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